Si l'Accord d'Agadir a permis au Maroc d'exporter des voitures montées localement, tous les ALE n'ont pas donné leurs fruits. Pour Abdellatif Maazouz, ministre du Commerce Extérieur, il faut une coordination de toutes les politiques sectorielles pour une meilleure offre sur le marché national. Sur les dix ans, le bilan reste mitigé. Quelles sont les opportunités mais également les menaces du libre-échange pour le Maroc ? Une question complexe à laquelle ont essayé de répondre différents intervenants lors de la conférence-débat organisée par le Centre Links, en partenariat avec le Cercle des Jeunes Economistes et le Centre Marocain de Conjoncture. Animant cette conférence, le ministre du Commerce Extérieur, Abdellatif Maazouz, a commencé son allocution par la citation d'exemples d'opportunités offertes par les différents accords de libre-échange signés par le Maroc. Notamment l'Accord d'Agadir liant le Maroc à l'Algérie, la Tunisie et la Jordanie. Entré en vigueur en 2007, cet accord, le plus abouti techniquement en terme de respect des règles d'origine, s'est traduit pour la première fois par un surclassement des exportations des produits de la mer par les voitures montées localement. Notamment la Logan. D'ailleurs, ce sont les produits industriels qui sont en tête des échanges du Maroc avec ses partenaires : malheureusement, il en importe plus qu'il n'en exporte, ce qui se traduit par un déficit de l'ordre de 50 % de la balance commerciale. Pour ce qui est des produits agricoles, où le Maroc peut notamment exceller, les ALE n'ont pas encore donné leurs fruits. D'ailleurs, l'Union européenne, notre premier partenaire, négocie toujours l'accord portant sur les échanges agricoles. L'ouverture de notre économie, même irréversible, il n'en demeure pas moins qu'il faudra accorder ses violons pour une meilleure offensive marocaine sur le plan du commerce international. Pour Abdellatif Maazouz, une coordination de toutes les politiques sectorielles s'impose dans ce sens. Afin d'installer durablement une offre exportable compétitive, le Royaume a basé son modèle économique sur la diversification et le développement d'une nouvelle configuration de secteurs à forte valeur ajoutée - automobile, électrique, électronique, aéronautique, offshoring, pharmacie, énergies renouvelables, métallurgie ou chimie. Outre les secteurs traditionnels de l'agriculture, l'agroalimentaire, la pêche et le textile, le Maroc fait de ces spécialités ses métiers mondiaux, que sa politique économique et commerciale tend à développer. Ainsi les Plans Emergence, Maroc Vert, Halieutis confèrent une compétitivité non négligeable sur ses marchés cibles. En attentant, le bilan reste mitigé L'Observatoire de l'Entrepreneuriat a établi le bilan d'une décennie des exportations marocaine. Il en ressort une évolution plus lente de ces exportations en comparaison avec les échanges mondiaux. En effet, si sur les dix dernières années, les échanges mondiaux ont augmenté de 8% et de 10% dans les pays émergents, la progression des exportations marocaines reste limitée à 7%. Pour l'ODE, cela souligne un manque de dynamisme. La part de marché du Maroc dans les exportations mondiales diminue alors tendanciellement depuis 1995. De même et à l'exclusion d?une année 2009 marquée par la crise, la part des exportations dans le PIB demeure stagnante, évoluant entre 17 et 21%. A titre comparatif, les pays émergents enregistrent un ratio compris entre 29 et 35%. Se développant plus rapidement que le reste de l'activité, le secteur exportateur constitue, pour ces économies, un moteur puissant de croissance. Et malgré le lancement de plusieurs chantiers structurants et de programmes, comme le Plan d'émergence industrielle, la compétitivité reste encore limitée aux produits à faible valeur ajoutée. Il est vrai que les plans sectoriels se sont traduits par une base productive plus large de l'économie domestique - l'indice de concentration des exportations se rapprochant progressivement des niveaux enregistrés par les pays en développement -, mais cela n'a en rien empêché la croissance des exportations marocaines de se baser essentiellement sur des produits de faible valeur ajoutée. L'analyse de l'ODE identifie les produits moteurs qui évoluent à un rythme nettement supérieur à celui des exportations totales du pays. Même s'ils ont affiché un taux de croissance annuel moyen (TCAM) de plus de 18%, ces produits, au nombre de 10, ne représentent que 25,6% des exportations totales du Maroc. Ils sont, d'une part, répartis entre les produits pour lesquels le Maroc dispose d'un avantage comparatif naturel (engrais, légumes…) et, d'autre part, les biens pour lesquels le Royaume a su développer un avantage comparatif (automobile, fils et câbles…). Un deuxième groupe de produits enregistre des croissances légèrement supérieures à celles des exportations totales. Ce groupe, dont le TCAM s'est établi à 9%, est dominé par les produits phosphatés et agroalimentaires, près de 98% du sous-total. A l'exception des poissons en conserve dont la hausse des exportations, en valeur, s'explique par une matière première plus chère, aucun des produits n'a encore renoué avec son niveau d?avant-crise. Et puis, il y a les produits sous-performants qui enregistrent une évolution stagnante, +1,5%. Représentant près de 20% du total des exportations, ces biens sont essentiellement concentrés sur le textile, secteur en difficulté, et plus paradoxalement sur les composants électroniques, produit présenté comme relais de croissance potentiel de l'économie. Le manque de compétitivité, en raison d'une offre humaine insuffisante et d'un climat des affaires perfectibles, y est patent. Le diagnostic pertinent de l'ODE identifie certains produits déclinants. Ils accusent en effet un repli de 3,2%. Les articles de bonneterie souffrent toujours de la concurrence sur les marchés étrangers, tandis que les crustacés sont pénalisés par une matière première en déclin. Et cette première analyse est confortée par l'évaluation des avantages comparatifs proposés par l?offre exportable domestique. L'indicateur de Balassa montre que le Maroc n'est performant que dans les biens primaires (légumes, fruits, poissons, crustacés et mollusques), les produits de base transformés (agroalimentaire) et les biens manufacturés à faible valeur (habillement, bonneterie et chaussure), tandis que les désavantages comparatifs se concentrent dans les secteurs plus intensifs en capital et en technologie (produits pharmaceutiques, peintures et plastiques, matériel de télécommunications et informatique, matériel de transport…) ou dans certaines branches agroalimentaires (lait, fromage, céréales, viandes…). Toutefois, le bilan n'est pas si morose puisque le Royaume a su lancer deux industries à valeur ajoutée et dont le comportement est plus que positif. L'industrie automobile et la production de câblage représentent ainsi un premier succès sur le chemin de la compétitivité. Autre fait marquant, la structure des exportations marocaines diverge de la demande mondiale, comme le montre l'indice de diversification qui s'élève à 0,694 contre 0,228 dans les pays en développement. En effet, les produits phosphatés et textiles ne représentent, respectivement, que 1% et 3% de l'offre mondiale. En revanche, dans la catégorie des biens chimiques, représentée principalement par les produits médicinaux et pharmaceutiques (3,5%), produits chimiques organiques (2,3%) et les matières plastiques (2,3%), le Maroc est quasi inexistant. De même, les biens d'équipement (machines et matériel de transport et appareils électriques), ainsi que les biens de consommation (télécommunications et matériel informatique et bureautique), regorgent d'opportunités au niveau international, tout en encourageant la R&D, source d'innovation et de compétitivité. Pages réalisées par I. B. & S. E.