Les accords de libre-échange signés récemment par le Maroc avec les États-Unis et la Turquie sont toujours de lactualité économique nationale. Des espoirs existent certes, mais les inquiétudes et les suspicions sont toujours présentes. Assurément, la signature des accords de libre-échange avec des pays économiquement plus forts laisse prédire que lenjeu est de taille pour une économie comme la nôtre. A cet égard, la Chambre de Commerce Britannique au Maroc a organisé une conférence, dont linvité dhonneur était Taïb Fassi-Fihri, ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération. Étaient également présents, Abdelhakim Marrakchi, Administrateur délégué de Maghreb Industries, et Mohamed Yahia Zniber, vice-président de la Fédération des PME-PMI. Ce que pensent les opérateurs... Abdelhakim Marrakchi, dirigeant dune entreprise du secteur industriel, créée au lendemain de lindépendance, estime que la multiplication des monopoles grèvent la compétitivité des entreprises. Il sempresse aussi dajouter: « nous souffrons dun déficit de compétitivité sur le marché local.» A cela sajoutent, bien entendu, des droits de douane élevés sur les intrants, des conditions tarifaires excessives, une fiscalité lourde, une énergie chère et dautres coûts qui pèsent sur la compétitivité du produit marocain par rapport à ceux étrangers. Le vice-président de la Fédération des PME-PMI, Yahia Zniber, lui aussi, ny va pas par quatre chemins et annonce que les accords de libre-échange signés récemment par le Maroc posent plusieurs problèmes au tissu économique. Il estime quaucune PME nest prête ou capable daffronter la concurrence étrangère et ce pour plusieurs raisons ( taille réduite, manque de visibilité, faible capacité doffre...). Le vice-président de la Fédération des PME-PMI pose également la contrainte de financement. A cet égard, il explique quil n y a pas uniquement la réticence des banques à octroyer des crédits. Il énumère ainsi le paiement au noir et sans factures, les importations illégales, la sous-facturation... Yahia Zniber va même jusquà annoncer quil fallait attendre lachèvement de lopération de mise à niveau pour signer de tels accords. Il émet à ce titre quelques propositions, telles quune fiscalité plus adaptée et une réduction plus drastique de la TVA en vue délargir lassiette de la consommation, lobligation des gens à payer par le biais des pénalités... Toutes ces déclarations inquiètent à plus dun titre parce que si notre tissu économique national nest pas prêt à affronter la concurrence étrangère, cela signifie quil est voué à la disparition. Ces appréhensions et lamentations nont pas laissé indifférent Taïb Fassi-Fihri, ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération, qui a commencé son discours en rappelant la stratégie économique nationale. Cette dernière sest déclinée en deux phases : la première (1984-1994) sest caractérisée par le programme dajustement structurel et la seconde (1994-2004) est considérée comme étant une véritable phase de libéralisation économique, daccélération du processus démocratique, dadhésion à lOMC et de libéralisation du commerce extérieur. Ces accords de libre-échange ne sont pas un effet de mode, mais le fruit dune stratégie nationale visant lintégration du Maroc dans le commerce mondial. Vus sous cet angle, ces accords de libre-échange ne sont pas un phénomène de mode ou un objet de pression suite à des entretiens à caractère diplomatique. Il sagit bel et bien dune démarche volontaire, mesurée à base de consensus et de modalités concrètes. La vraie question qui se pose alors est : quand et avec qui signer les accords de libre-échange ? La Déclaration dAgadir, signée récemment, est un signal pour que le Sud sorganise par lui-même et pour lui-même. Mais cela nempêche que la diversification des accords demeure impérative dans un tel contexte. A cela, le ministre des Affaires étrangères répond que cet effort de diversification est fait de manière à ne pas heurter les accords de négociation avec lUnion Européenne. De même, ces accords ont été conclus sur la base des anticipations. A ce titre, il fait allusion à la Turquie qui peut probablement devenir membre, demain, de lUE. Une chose est cependant sûre selon le ministre : « dans chacun de ces accords, il y a une prise de considération des risques pris par le pays et une nécessité de protéger les secteurs les plus sensibles». Lobjectif étant déviter que cette ouverture ne conduise à une déstabilisation de la production nationale. Lensemble de ces accords vise le développement de linvestissement au Maroc et, partant, la création demplois. Concernant la problématique de la mise à niveau, le ministre a répondu quen aucune manière nous ne pouvions attendre que tout notre tissu économique se mette à niveau. En fait, la mise à niveau ne se décrète pas, mais elle sacquiert au fur et à mesure en fonction des anticipations et des prévisions. En effet, le retard quenregistrent actuellement les entreprises dans le processus de mise à niveau est une donnée qui leur incombe. Notre culture entrepreneuriale résiste au changement et à la modernisation. Mais cela nempêche que le Maroc, après la signature de ces deux accords, est interpellé à prendre plus de recul, à prendre les décisions nécessaires pour mettre à profit les accords de libre-échange. Cest de cette manière que le Maroc gagnera un avantage concurrentiel, lui permettant de drainer davantage dinvestissements et dêtre une plate-forme dexportation aussi bien sur le marché américain que sur lensemble des marchés régionaux au niveau desquels il bénéficie dune préférence tarifaire.