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Accords de libre-échange : Des convergences en dépit des particularités
Publié dans Finances news le 03 - 07 - 2008

* Malgré les particularités qu’ils dégagent, les ALE signés par le Maroc présentent des signes de cohérence.
* Après leur entrée en vigueur, les ALE n’ont pas pu avoir l’effet escompté sur le volume des exportations.
* Les ALE ne doivent pas occulter la nécessité de poursuivre la libéralisation multilatérale dans le cadre de l’OMC.
Après les différents accords de libre-échange conclus par le Maroc, on se pose la question sur le degré de cohérence de tels accords. En guise de rappel, l’accord d’association avec l’Union européenne est entré en vigueur le 1er mars 2000, celui avec les USA est entré en application le 1er janvier 2006. On note également l’accord de libre-échange avec la Turquie, entré en vigueur le 1er janvier 2006 et l’accord d’Agadir qui est entré en application effective en mars 2007. D’après les analystes de la conjoncture, l’examen des dispositions de l’ensemble des accords décrits permet de dénoter leur caractère relativement cohérent, et ce malgré les particularités de chaque accord. Particularités est le mot exact étant donné que chaque accord présente des spécificités qui lui sont propres.
Des accords complémentaires
Si on prend le cas de l’agriculture, on remarque que les dispositions de l’accord avec la Turquie comprennent un échange limité de concessions, compte tenu de la sensibilité de ce secteur dans les deux pays. L’accord avec les USA, par contre, accorde une place très importante au volet agricole. Il prévoit néanmoins une période transitoire de 15 ans pour le Maroc avant d’ouvrir complètement son marché aux produits agricoles américains. Entre temps, le Maroc est appelé à mettre à niveau son agriculture, sachant que le marché américain recèle d’énormes potentialités commerciales pour les exportations agricoles marocaines.
Le marché américain est certes très ouvert, mais il est réputé être très protégé par des barrières non tarifaires essentiellement sanitaires et phytosanitaires.
Au niveau du secteur du textile, la Turquie figure parmi les principaux fournisseurs sud-méditerranéens de l’Europe. L’accord signé entre le Maroc et la Turquie pourrait cependant s’avérer utile pour résoudre le problème de l’approvisionnement en matières premières. En effet, les producteurs marocains du textile peuvent importer le tissu et d’autres intrants de Turquie, ce qui permettra aux produits confectionnés marocains, conformément au principe paneuroméditerranéen de cumul des règles d’origine, d’accéder aux marchés de l’Union européenne en exonération totale des droits de douane sur le produit final.
En outre, la conclusion de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis pourrait constituer une opportunité à saisir pour le secteur textile-habillement. Alors que la position du Maroc sur le marché européen du textile-habillement risque de s’éroder sous l’effet de la concurrence asiatique. Le libre accès au marché américain, l’un des plus importants dans le monde, pourrait compenser les pertes éventuelles de parts de marché en Europe.
Au niveau des services, l’accord avec la Turquie entend renforcer la poursuite de la libéralisation progressive du commerce bilatéral de services. Cet accord serait ainsi opportun pour renforcer la coopération entre opérateurs des deux pays à travers la promotion des flux d’investissements bilatéraux.
Aussi, il est à souligner que l’accord de libre-échange avec les USA consolide les engagements pris en 1995 relatifs à la libéralisation des secteurs financiers tout en adoptant le principe de «liste négative». Le Maroc s’est réservé le droit d’introduire toute nouvelle réglementation future des services financiers ainsi que l’aptitude à octroyer à titre exclusif des avantages aux institutions financières publiques sans les étendre au secteur privé. Les analystes de la DEPF ont mis en exergue toutes ces complémentarités qui paraissent bien évidentes pour chaque secteur d’un accord à l’autre.
Au total, la mise en œuvre par le Maroc d’une politique axée sur l’ouverture et la libéralisation commerciale est un choix irrévocable. Il s’inscrit dans l’objectif d’une meilleure insertion de notre pays dans son espace régional dont les retombées devraient favoriser aussi un ancrage plus profitable à l’économie mondiale. Toutefois, la multiplication des accords de libre-échange ne devrait pas constituer une fin en soi, mais se traduire par des flux d’investissements vers notre pays à travers, notamment, la constitution d’entreprises mixtes dans les branches industrielles à forte croissance ou leur participation à la réalisation des grands projets d’infrastructure. Le Maroc, compte tenu de son positionnement géographique, pourrait aussi jouer le rôle de plate-forme d’exportation vers les marchés avoisinants pour les entreprises américaines et turques.
Bilan mitigé
Le Maroc a certes multiplié ses accords de libre-échange, mais cela n’a pas eu d’effet direct sur la configuration de sa balance commerciale qui reste marquée par la prépondérance du marché européen en tant que client et en tant que fournisseur. Encore faut-il souligner que si nos exportations vers l’UE sont restées relativement stables, du côté des importations le poids de l’UE s’est progressivement replié, soit 52,4% en 2006.
Une année après l’entrée en vigueur de l’ALE entre le Maroc et les Etats-Unis, les échanges commerciaux entre les deux partenaires ont enregistré une évolution remarquable.
Le commerce bilatéral a progressé de 30%, pour s’établir à près de 11,3 milliards de dirhams.
La part des Etats-Unis dans le total des échanges extérieurs du Maroc est passée ainsi de 3% à 3,5% entre 2005 et 2006. Une évolution certes, mais qui reste, de l’avis des opérateurs, en deçà des attentes. Cet accord suscite des appréhensions en ce qui concerne le volet agricole.
La libéralisation du secteur agricole, compte tenu de son irréversibilité, constitue une véritable source d’inquiétude. L’avenir de ce secteur stratégique demeure largement tributaire de la réussite de son processus de mise à niveau. Cette démarche est radicalement différente de celle qui a été retenue avec l'Union européenne. D’un autre côté, l'industrie marocaine du médicament serait mise à rude épreuve. Selon les opérateurs de ce secteur, l'ALE avec les Etats-Unis impactera négativement cette industrie car l'accès aux médicaments génériques, nettement moins chers, sera amoindri.
La valeur des échanges commerciaux du Maroc avec les quatre pays reste marginale et ne dépasse pas les 4,4 Mds DH. Cet état de fait traduit les limites d’ordre structurel entre les quatre pays lesquelles il est grand temps de résorber.
Cette analyse préliminaire des ALE ne remet pas en cause leurs enjeux. Mais ils ne doivent pas occulter les bienfaits du commerce multilatéral dans le cadre de l’OMC. Reste que la problématique de la compétitivité de l’offre exportable est toujours à l’ordre du jour. D’après les analystes de la DEPF, la résolution de l’offre devrait transcender la logique simpliste basée sur les coûts pour englober des dimensions plus structurantes telles la refonte des schémas de spécialisation au profit des créneaux porteurs du commerce mondial.


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