L'usine PSA à Kénitra aura une capacité de production de 200.000 véhicules et 200.000 moteurs, tandis que le taux d'intégration locale devra atteindre 80%. Le secteur automobile marocain s'étoffe de plus en plus, monte en puissance et se fait définitivement une place sur la carte industrielle mondiale. Revue des principaux points à retenir de l'accord entre PSA et le Maroc. Moulay Hafid Elalamy a le sourire des grands jours. Depuis le lancement du Plan d'accélération industrielle (PAI 2014-2020) il y a près d'un an, le ministre de l'Industrie du Commerce et de l'Economie numérique tient sa plus grosse prise. Le constructeur automobile français, PSA Peugeot Citroën, vient d'annoncer le projet de construction d'un complexe industriel à Kénitra. L'accord a été signé au Palais Royal de Rabat, en présence de SM le Roi Mohammed VI, entre Carlos Tavares, président du Directoire de PSA, et M.H. Elalamy. Les premiers travaux de terrassement sont prévus pour 2016, et l'usine devrait commencer à tourner dès 2019. Des moteurs «made in Morocco» Ce qui ressort des premiers éléments communiqués par les deux protagonistes lors de la conférence de presse est qu'il s'agit bien d'un projet ambitieux et, par certains aspects, novateur. L'investissement global nécessaire pour l'implantation de l'usine PSA à la commune Ameur Seflia près de Kénitra, à la lisière de la plateforme industrielle intégrée d'Atlantic Free Zone, est de 570 millions d'euros, soit près de 6 milliards de dirhams. 95% de cet investissement sont financés par PSA, les 5% restant (soit 300 millions de dirhams) seront apportés par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Il se démarque en cela du montage financier réalisé à l'occasion de l'implantation de Renault à Tanger où le financement avait été supporté à parts quasi égales entre Renault et la CDG. Autre différence de taille avec son rival au losange, l'usine de Kénitra ne produira pas que des voitures, mais, grande première au Maroc, assemblera également des moteurs. Ainsi, il est prévu de produire plus de 90.000 véhicules et 90.000 moteurs dans une première phase, puis d'atteindre, à terme, une capacité de 200.000 véhicules et 200.000 moteurs, «en fonction de l'évolution de la demande», souligne C. Tavares. PSA va s'appuyer sur sa toute nouvelle plateforme CMP, développée en coopération avec le Chinois Dong Feng (qui détient 14% de PSA). Cette plateforme, 20% moins chère que sa devancière, servira à la production des véhicules des segments B et C. Carlos Tavares restera muet sur les modèles qui seront produits à Kénitra, pour ne pas livrer d'informations stratégiques à ses concurrents, mais les noms de la Citroën C Elysée et de la Peugeot 301 reviennent souvent dans les conversations. 80% d'intégration locale Par ailleurs, en termes de sourcing, PSA prévoit de s'approvisionner en composants et pièces automobiles auprès de fournisseurs marocains pour un montant de 1 milliard d'euros par an. Le taux d'intégration locale sera de 60% au démarrage de l'usine, et devrait atteindre, à terme, 80%; ce qui constitue un niveau élevé d'intégration. Avec l'arrivée d'un second constructeur au Maroc, le tissu d'équipementiers va se densifier, comme l'explique M.H. Elalamy: «Avec l'arrivée d'un deuxième constructeur, une taille critique est atteinte et les équipementiers de rangs 2 et 3, jusqu'alors réticents, pourront s'installer au Maroc, car ils ne dépendront plus d'un seul donneur d'ordre». Cela doit permettre de faire passer le taux d'intégration globale du secteur automobile à 60%, à horizon 2020, contre un peu moins de 40% aujourd'hui. Les retombées en matière d'emploi, l'une des grandes préoccupations du gouvernement marocain, sont également très satisfaisantes : 4.500 emplois directs seront créés, et près de 20.000 emplois indirects. Une filière Recherche et développement, employant 1.500 ingénieurs et techniciens supérieurs, sera également mise sur pied. Interrogé sur le choix de Kénitra pour l'implantation de son usine, Carlos Tavares explique que le site est idéal à tout point de vue: «c'est un choix qui s'est imposé par la disponibilité des infrastructures de toute nature, par la proximité et la qualité du bassin d'emploi de la région et par la proximité de la mer, vu que les exportations se feront essentiellement par voie maritime». Grâce à cette implantation, la région de Kénitra, qui devrait bénéficier de la construction d'un port en eau profonde dont les travaux doivent débuter en 2019, est en passe de devenir un véritable pôle de compétitivité. C'est tout le tissu industriel de la région qui va en bénéficier. Pour le groupe français, qui s'est redressé d'une situation difficile, Kénitra servira de base de conquête pour le très prometteur marché africain, où les ventes de voitures en 2025 devraient atteindre les 8 millions d'unités. PSA espère écouler 1 million de véhicules d'ici 2025. Le PAI… s'accélère L'usine PSA de Kénitra va faire basculer le Maroc dans une nouvelle ère industrielle et consolidera encore un peu plus son positionnement en tant que Hub automobile. Fort de ce projet structurant, le secteur se sent pousser des ailes. Ainsi, M.H. Elalamy a affirmé vouloir plus que doubler le poids du secteur dans les prochaines années. Aujourd'hui, le chiffre d'affaires à l'export du secteur automobile représente 40 milliards de dirhams (50% Renault, 50% équipementiers). Il doit passer à 100 milliards de dirhams en 2020, confortant encore un peu plus son statut de premier secteur exportateur du Royaume. La capacité de production du secteur doit également passer de 400.000 à 800.000 véhicules, et le nombre d'emplois atteindrait 163.000 contre 73.000 aujourd'hui. Moulay Hafid marche sur du velours, car l'arrivée de Peugeot valide sa stratégie pour l'industrie marocaine, comme il aime à le rappeler : «cet investissement industriel démontre, une nouvelle fois, la pertinence de la politique mise en place qui favorise les investissements des plus grands constructeurs mondiaux». Et à entendre le ministre évoquer l'avenir, il ne fait quasiment aucun doute que d'autres constructeurs s'installeront au Maroc.