15 Ecrit par Soubha Es-Siari | En attendant les effets de la substitution aux importations et la révision des accords de libre-échange, le déficit de la balance commerciale continue sur sa lancée. Les dernières statistiques publiées par l'Office des changes rendent compte que le déficit commercial s'est creusé foncièrement se situant à 311,6 Mds de DH en 2022 en hausse de 56,5 % par rapport à 2021. Le creusement du déficit à des niveaux insoutenables est lié au cumul des effets des deux crises sanitaire et ukrainienne qui ont perturbé les chaînes de valeur mondiale à telle enseigne que nombreux sont les pays ayant décidé de faire de la souveraineté énergétique, alimentaire et sanitaire leur principal credo. Le Maroc en fait également partie à travers la politique de substitution aux importations ou de la préférence nationale ayant pour principal dessein de réduire drastiquement les importations notamment des produits que le Maroc produit ou pourrait produire. Le dossier de la révision des accords de libre-échange s'impose aujourd'hui sur la table de l'équipe au pouvoir. Et pour cause : l'accord de libre-échange, conclu entre le Maroc et l'Union Européenne (UE), entré en vigueur en 2000 et revu en 2010 et complété récemment en 2021, et les multiples accords signés avec d'autres pays de la rive sud de la méditerranée ne semblent pas avoir tenu toutes leurs promesses. Le but étant d'équilibrer un tant soit peu les avantages et les pertes avec certains pays qui bénéficient outrancièrement de l'ALE avec le Maroc. A cet égard, il est souhaitable que la variable économique prime sur celle politique et de prévoir des évaluations à mi-parcours pour procéder aux ajustements nécessaires chaque fois qu'il le faut. A noter par ailleurs que malgré la diversification des ALE, l'essentiel des transactions commerciales continuent de se faire avec l'Europe et plus particulièrement avec les pays de l'Union Européenne. Selon les dernières données publiées par l'office de change, la part des échanges du Maroc avec cette zone s'élève à 59,4% à fin 2021, le déficit commercial demeure structurellement négatif et la structure des exportations comme celle des importations ont cependant connu une déformation de leur composition. En 2021, la structure des exportations marocaines restent dominée par les ventes à l'extérieur des biens finis de consommation (28,5% contre 28,9% en 2014), les demi-produits (26,7% au lieu de 24,2% ), les produits alimentaires (19,1% à la place de 17,7%,) et les biens finis d'équipement (16,8% contre 16,8% ) alors que les achats du Maroc à l'étranger portent essentiellement sur les biens finis d'équipement (23,5% contre 20,4% en 2014), les produits finis de consommation (23,4% au lieu de 18,3%), les demi(produits (21,% à la place de 20,4%), les produits alimentaires et les produits énergétiques et lubrifiants avec respectivement 11,% et 14,4% au lieu de 10,8% et 24%. Le déficit commercial du Maroc avec l'UE, exprimé en pourcentage du PIB, a plus que doublé. Entre 2000, date d'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange, et 2007, année où la crise financière mondiale a frappé, il est resté proche de -3 % du PIB du Maroc. Depuis lors, il s'est fortement détérioré, atteignant -17,8% du PIB en 2017 avant d'atteindre -15,5% en 2021. Cette situation est attribuable dans une large mesure à la diversification limitée de l'offre exportable. Elle rend les exportations marocaines vulnérables aux effets de retournement du cycle conjoncturel dans la zone euro. Un risque systémique que ne sont pas près de juguler les échanges commerciaux avec les pays arabes qui demeurent faibles comparativement à ceux effectués avec l'Union européenne. L'Accord d'Agadir, avec la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie, se situe dans la logique d'une intégration Sud-Sud. Mais, cet accord n'a pas eu d'effets significatifs sur le volume des échanges entre les pays signataires. De plus, le déficit du Maroc vis-à-vis des autres pays de l'accord s'est accentué, principalement avec l'Egypte et la Tunisie. Toutefois, l'impact négatif de l'accentuation du déficit commercial sur la balance des paiements est relativement atténué par la performance enregistrée par les autres composantes du compte courant, dont principalement les transferts des MRE et les recettes de voyage, ainsi que par les IDE au niveau du compte capital. La contribution des transferts des MRE a dépassé celle de plusieurs secteurs exportateurs. Ils forment également une source importante de capitaux, peu volatile et relativement moins influencée par l'environnement international que les autres flux. En conclusion, cet ensemble d'une cinquantaine d'accords de libre-échange conclus par le Maroc n'a pas permis de développer significativement les exportations marocaines. La balance commerciale reste déficitaire vis-à-vis de la plupart des partenaires signataires d'accord d'association ou de libre-échange. Seul aspect positif, le déficit commercial enregistré avec certains de ces pays est compensé par l'afflux massif des recettes de voyage, des transferts des MRE et des investissements étrangers, notamment de France et d'Espagne et, dans une moindre mesure, des Etats-Unis. Une chose est sûre : si les accords devaient être révisés, ils devraient mieux prendre en compte les avantages comparatifs du Maroc en considérant la nature des produits et d'œuvrer en sorte que les asymétries persistantes entre le Nord et le Sud de la méditerranée se réduisent.