Mohammed Benmoussa Economiste et chef d'entreprise www.mohammedbenmoussa.com L'économie marocaine a généré en 2012 un PIB de 828 milliards DH, représentant 0.135% de la production mondiale (72 200 milliards dollars). Les exportations marocaines (185 Md DH) ne pesaient que pour 0.117% du commerce international (18 600 Md $), soit un retard mécanique d'exportations de 3.35 Md $ ou 28.5 Md DH si le poids du Maroc au niveau des échanges mondiaux était le même qu'en matière de richesse économique. La faiblesse de nos exportations a engendré un déficit commercial de plus de 200 Md DH en 2012 (-196 Md en 2013), dont prés de la moitié provient de la balance commerciale énergétique, 23% des biens d'équipements industriels et agricoles, 12% des demi produits, 10% des biens de consommation et 5 à 6% des produits alimentaires. L'analyse des échanges commerciaux sur le long terme (2012/2002) montre une évolution modérée des flux d'exportations, comparativement à la croissance soutenue des importations. Elle démontre l'incapacité structurelle de l'économie nationale à produire l'essentiel de ses besoins de subsistance, ni à procurer à ses agents économiques les facteurs de production nécessaires à leur activité. Ainsi, les exportations annuelles ont progressé de 113 % (+ 98 Md DH) sur cette décennie, tandis qu'au même moment les importations augmentaient à un rythme deux fois plus rapide (+196% soit +256 Md DH). Le déficit commercial se trouve en conséquence, aggravé par un multiple de 5 pratiquement. En termes sectoriels, le chiffre d'affaires à l'exportation des phosphates et dérivés triple en 10 ans, celui des produits de l'agriculture double, celui des produits de la mer augmente de 40%, de l'industrie de la conserve de fruits et légumes de 28%, tandis que le textile & cuir stagne pratiquement, voyant sa part dans le commerce extérieur réduite de moitié à 16%. L'industrie naissante de l'automobile contribue pour 3% des exportations de 2012. En termes géographiques, la balance commerciale bilatérale du Maroc est déficitaire avec quasiment tous les pays, et plus particulièrement avec les signataires des accords de libre échange conclus par le royaume. Ce déficit est de 24 Md DH avec l'Arabie Saoudite, 23 Md avec la Chine, 20 Md avec l'Espagne, 18 Md avec la Russie, 17 Md avec les Etats-Unis, 13 Md avec l'Allemagne, 12 Md avec l'Italie, 8 Md avec la France et l'Algérie, 7 Md avec la Turquie, 4 Md avec les EAU et le Japon, 3 Md avec la Grande-Bretagne et le Canada. Quelques exceptions notables toutefois: l'Inde et le Pakistan, partenaires avec lesquels le Maroc affiche une balance commerciale excédentaire de 5.6 et 2.6 Md DH respectivement, grâce aux exportations de phosphates, d'engrais chimiques et d'acides phosphoriques. Mais aussi le Brésil où l'on exporte pour 11 Md DH, le Mexique et quelques petits pays. Ces données statistiques sont très instructives, parce qu'elles permettent de démystifier certains slogans diplomatiques et d'en démontrer la totale vacuité. Une relation bilatérale stratégique ne s'apprécie qu'à l'aune de l'intensité des flux d'affaires entre les deux pays. Prenons quelques exemples très édifiants. Le ministre Boussaid se réjouit de nos relations stratégiques avec le Koweit, qui nous achète 53 millions DH de marchandises par an, soit une broutille pour cette monarchie du golf ! L'Arabie Saoudite dont 0.07% seulement des importations (156 Md $) proviennent du Maroc (900 millions DH) ou les EAU qui achètent pour moins de 500 millions DH de marchandises marocaines ! Le Canada qui importe moins de 600 millions DH du Maroc mais presque 10 fois plus d'Egypte, malgré l'importante communauté de MRE installée dans ce pays. Les USA qui traitent 943 millions dollars d'importations avec le Maroc, mais 7 fois plus avec la Turquie. Le Japon dont les 1.8 Md DH d'importations de produits marocains sont en baisse de 42% par rapport à leur niveau de 2002 et ne représentent que 0.02% des importations totales nippones. Le pays du Soleil Levant domicilie un volume d'importations 13 fois plus important avec le Gabon et 6 fois plus élevé avec l'Egypte ou (même !) la Papouasie-Nouvelle-Guinée. La Grande-Bretagne également, qui confie au Maroc un flux d'importations de 5.1 Md DH, en baisse de 27% par rapport à 2002 et ne représentant que 0.09% de la totalité de ses importations. Trois pays traitent avec le royaume un courant d'affaires dont la part est plus significative : l'Espagne, qui lui confie 1.07% de ses importations, la France et le Brésil avec 0.69% et 0.55% respectivement. La diplomatie économique doit travailler au rééquilibrage du commerce extérieur marocain et veiller à la progression rapide de nos exportations dans les grands marchés développés d'Europe et d'Amérique du Nord, avec une attention particulière pour l'Allemagne, le Royaume Uni, les Pays-Bas et le Canada, qui représentent à eux quatre prés de 3000 Md $ de flux d'importations. Comme elle doit s'intéresser aux économies émergentes en Asie, au Moyen Orient et en Afrique. Le renforcement des partenariats commerciaux actuels est une priorité, mais l'est tout autant la conquête de nouveaux marchés dans des pays dynamiques importateurs où le Maroc est peu présent. Des pays comme l'Afrique du Sud, le Nigéria, l'Iran mais aussi l'Australie, l'Autriche, la Pologne, la République Tchèque et les pays Scandinaves, doivent être inscrits en première ligne de la feuille de route des diplomates chargés de la conduite de la diplomatie économique du royaume. l