Ecrit par L.Boumahrou | La décision du ministre de l'Enseignement Supérieur de réintégrer les 3.700 étudiants Marocains de retour d'Ukraine divise de plus en plus. Mais au-delà de cette division, la question qui s'impose désormais est plutôt d'ordre juridique, pédagogique, voire même logique. Parmi les conséquences hors frontières de la guerre Ukraino-russe, celles des étudiants marocains qui ont dû fuir le champ de bataille laissant derrière eux leur vie, leurs études ainsi que leur carrière apparaissent comme l'une des plus préoccupantes. Un retour au bercail dans la douleur qui plonge environ 3.700 étudiants dans une incertitude totale quant à l'avenir de leur parcours académique. Pour les rassurer, le Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche Scientifique et de l'Innovation s'est précipité dans une annonce qui a provoqué la grogne des étudiants Marocains des facultés de médecine et de pharmacie. Abdellatif Miraoui, le Ministre de tutelle, a promis aux parents de réintégrer leurs enfants rentrés au Maroc dans les Universités marocaines. Une décision qui n'a pas plu aux étudiants marocains, notamment ceux des facultés de médecine et de pharmacie, qui sont montés au créneau pour dénoncer cette décision qui risque d'aggraver les conditions d'enseignement longtemps contestées. Mais pas que. Les compétences, le niveau des études et les principes d'équité et d'égalité des chances sont également parmi les motifs du rejet. Ce qui est certain c'est que l'intégration des étudiants marocains en provenance d'Ukraine dans les Universités publiques marocaines, notamment dans les établissements à accès régulé ne fait pas l'unanimité. Mais au-delà de cette division, la question qui s'impose désormais est plutôt d'ordre juridique, pédagogique, voire même logique ! Le Ministre a-t-il le droit de prendre une telle décision ? Non. D'ailleurs le Secrétariat général du gouvernement a, semble-t-il, alerté le ministre sur l'illégalité de cette décision qui ne repose sur aucun texte juridique. Mieux comprendre le problème ... Le cahier des normes pédagogiques nationales (CNPN), concernant le diplôme de Docteur en médecine générale, tel que spécifié dans la Décision du Ministre de l'Education Nationale, de la Formation Professionnelle, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique numéro 2174.18 du 2 Joumada I 1440 (9 janvier 2019), publiée au bulletin officiel numéro 6757 du 26 Joumada II 1440 (4 mars 2019), précise que ce type d'études dure 7 ans, soit 14 semestre (400 heures au maximum par semestre, de 16 semaines au minimum, entre enseignement et évaluation). Chacun de ces derniers (semestre) étant composé de 6 à 7 unités (au moins 89 au total), couvrant chacune un volume horaire de 50 heures au minimum. Le nombre d'heures d'enseignement et d'évaluation prévu durant la formation est arrêté à un minimum de 4.500 heures. A propos de l'accès à la première année d'étude en médecine, ce même CNPN précise qu'il se fait par le biais d'un concours ouvert aux titulaires d'un baccalauréat dans l'un des parcours scientifiques ou équivalent et répondant aux critères d'admission et aux connaissances à acquérir au préalable, lesquels sont identifiés dans le dossier descriptif de la formation, et ce, dans la limite du nombre de places disponibles. Les formes et le système d'évaluation, l'acquisition d'une unité, le rattrapage, le concours national de qualification, et bien d'autres normes sont clairement énoncés dans ce cahier. Autant d'éléments qui laissent en suspens plusieurs questions. Ces étudiants remplissent-ils les conditions sus-énumérées ? Si ce n'est pas le cas, le Ministre en exercice est-il appelé à éditer une nouvelle décision ? Quid de la langue, vu que la langue d'apprentissage des étudiants de retour d'Ukraine, dans les différentes disciplines suivies, étant l'ukrainien, sinon, le russe ? Si c'est ainsi le cas, qu'en est-il concrètement des principes constitutionnels d'équité et d'égalité des chances ? Surtout que les étudiants qui poursuivent leurs études médicales au Maroc sont appelés à avoir une moyenne générale au-dessus d'un seuil établi par le Ministère, suivant les Facultés d'accueil, en fonction de la distribution de la carte universitaire, avant même de passer le concours d'accès, sans pour autant négliger la série de baccalauréat exigé pour y accéder, à savoir scientifique ! Sans oublier que les capacités d'accueil des établissements marocains concernés étant limitées, en particulier ceux dispensant les études médicales qui représentent, selon les données avancées par le Ministère de tutelle, 77% des étudiants inscrits sur la plateforme de recensement lancée à cet effet, le 4 mars dernier. Les Ministères également concernés par cet appel lancé par Miraoui ont-ils été concertés à ce titre, notamment la Santé et les Finances ? Les solutions alternatives ont-elles été empruntées, à l'image de l'enseignement à distance ou de transfert vers les pays frontaliers de l'Ukraine, tels que la Hongrie ou la Roumanie ? La question liée à l'équivalence des diplômes étrangers étant également remise en question, tant sur le plan de la constitution des dossiers que sur le plan de la composition et du fonctionnement des commissions sectorielles ou encore de la saisine de la commission supérieure. Cette procédure qui, s'appliquant à tous les étudiants marocains en provenance de l'étranger, est encadré juridiquement dans l'arrêté du Ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique numéro 370-03 du 15 Hija 1423 (17 février 2003) pris pour l'application du Décret numéro 2.01.333 du 28 Rabii I 1422 (21 juin 2001) relatif aux conditions et à la procédure de l'octroi des équivalences de diplômes de l'enseignement supérieur. Autant de questions auxquelles il fallait penser avant de lancer des promesses qui semblent difficiles à honorer.