« Ce n'est pas parce que c'est difficile que l'on n'ose pas. C'est parce qu'on n'ose pas que c'est difficile », Sénèque. La bourrasque est là, les gouvernements valsent, des Etats vacillent et ce n'est que le commencement. La guerre d'Ukraine est un peu le bouc-émissaire. Le big-bang qui s'annonce est d'abord la fin de décennies d'argent magique, où l'usage de la planche à billets n'avait miraculeusement pas d'effet inflationniste. C'est aussi et peut être surtout l'implosion des illusions ultra-libérales, le marché sans régulation a failli, il n'a pas résisté au Covid. L'enrichissement indécent d'une minorité ne peut cacher l'extension de la précarité dans tous les pays, le ruissellement étant une escroquerie intellectuelle et aucune certitude n'existe quant aux recettes pour la sortie de crise, quel que soit l'engagement social. Le rôle de l'Etat est fortement questionné, il est appelé à la rescousse par tous les acteurs, certains pour assurer l'accès au financement à des coûts non prohibitifs, d'autres pour une extension de la dépense publique afin de relancer la machine etc.... Ceux qui étaient pour une rigueur sans faille, ferment les yeux sur l'endettement grandissant. Lire aussi | Soupçons d'escroquerie à la FIFA. Sepp Blatter et Michel Platini acquittés par la justice suisse Les libéraux sont pour la souveraineté énergétique, les verts allemands sont pour la reprise du nucléaire qu'ils ont démantelé, les sociaux-démocrates retrouvent le désir de l'Etat stratège et des protections sociales, les extrêmes prospèrent sur la haine des élites etc… Tout le monde est en fait déboussolé, parce que la situation est inédite. La stagflation qui menace a cela de spécifique, qu'elle intervient dans un contexte où c'est l'organisation du marché qui en est la cause et non pas le système financier. La possible et même probable crise financière, sera pour une fois, la conséquence et non pas la cause de l'implosion comme en 1929 ou 2008. Personne ne peut affronter cette crise sans une grande dose d'humilité. Les enjeux ne sont pas conjoncturels, mais nul ne peut ignorer les tensions sociales exacerbées par une inflation galopante dont l'énergie n'est qu'une composante. L'ordre monétaire international entre dans les soubresauts, le protectionnisme est sur toutes les lèvres sous le nom de souveraineté à retrouver, les chaines de valeur cherchent à se reconstituer autrement. Un nouveau monde est en gestation et on ne sait pas quel sera son visage. Lire aussi | Zakia Slaoui : « J'accompagne le développement des entreprises et des organisations en leur apportant mon expertise » Le Maroc n'est pas protégé contre ces intempéries, malgré la faiblesse de notre intégration au marché mondial. Il faut surtout arrêter de faire croire que ce n'est qu'une petite période difficile à passer, qu'en 2023 tout reprendra comme avant. C'est le pari de l'ensemble de la classe politique, mais aussi de Bank Al Maghreb. Ce pari peut s'avérer suicidaire si, au contraire, la crise s'approfondit. Pour affronter une bourrasque, il vaut mieux la voir venir, regarder ailleurs n'a pas de sens. Ce qui en a, c'est de rechercher dans l'intelligence collective les moyens de garder le cap, celui de l'émergence économique, de la stabilité politique garantie par la justice sociale et d'une réforme en profondeur de la société. Le Maroc ne peut pas se payer le luxe d'un handicap supplémentaire, juste pour le confort intellectuel de sa classe dirigeante. La crise systémique ne peut être affrontée avec succès par de simples mesurettes, le nez dans le guidon. L'histoire jugera ! Changez de braquet avant qu'il ne soit trop tard.