Islamistes, Union Constitutionnelle et gauche non gouvernementale joueront chacun sa partie. L'opposition ne sera ni unie, ni animée des mêmes objectifs, une chance pour le gouvernement El Fassi. La majorité reconduite aura en face une opposition hétéroclite. Notons d'abord que beaucoup de «petits» partis ont été obligés, pour des raisons alimentaires, de s'associer à des groupes parlementaires de la majorité et donc de quitter les rangs de l'opposition. Il s'agit de l'alliance AHD – PND, du FFD et du PS. Ils ont fait campagne contre l'action de la majorité, ils vont la soutenir au Parlement, cela n'étonnera que ceux qui veulent mettre la pratique démocratique marocaine au diapason de l'universel. Le PJD lui, est bien dans l'opposition alors qu'il se voyait à la primature. Normalement, il devrait être le principal animateur de l'opposition dans l'enceinte du Parlement et il a déjà annoncé son endurcissement. Ce n'est pas une attitude de dépit. Les observateurs et quelques cadres du PJD font le même constat. Après le 16 mai, les islamistes ont mis beaucoup d'eau dans leur… venin. Le désir de montrer patte blanche pour accéder aux affaires accentue le trait. Othmani et ses troupes ont arrondi les angles, ils ont sûrement perdu leurs soutiens les plus extrêmes. Ce qui n'est pas nécessairement une bonne nouvelle, parce que ces soutiens peuvent basculer dans l'extrémisme. Par pure tactique, le PJD a épargné l'Istiqlal et concentré ses attaques sur l'USFP. Les dirigeants intégristes savent que le chemin le plus court vers les ministères passe par une alliance avec les conservateurs de l'Istiqlal et donc par l'implosion de la koutla. Celle-ci ayant la vie dure, ils auront une législature pour attaquer à tout crin. Le social, le populisme même, sera leur potion magique, en plus des thèmes récurrents ayant trait à l'ouverture de la société. Le retour du cheval La grande nouvelle du scrutin du 7 septembre, c'est le redémarrage de l'Union Constitutionnelle. Ce parti a été durement touché par le limogeage de feu Driss Basri. Celui-ci avait pénétré le parti qui se voulait libéral dès 1983. Abdelaziz Messioui le raconte dans un livre, sur les 87 élus, la direction du parti de Maâti Bouabid n'en connaissait même pas la moitié, les autres c'est l'intérieur qui les a fournis. Abied et ses compagnons ont eu le courage de faire eux-mêmes la purge dès l'annonce du limogeage de Basri. Sept ans après, leurs résultats sont bons et sans l'énorme bêtise de la liste nationale, ils talonneraient l'USFP. Au Parlement, l'UC sera tout de même pris en tenaille entre le discours du PJD et ses convictions libérales; face à un gouvernement dont la politique est d'inspiration libérale. L'UC qui dirige plusieurs grandes villes devra reconquérir une crédibilité gouvernementale en attendant que le Wifak renaisse de ses cendres. Cette alliance de droite, naturelle, s'imposera en cas de dissolution de la Koutla comme une alternative à l'entrée du PJD au gouvernement. C'est justement ce qui barre la route, logiquement, à toute alliance avec les Islamistes et ouvre la perspective d'une opposition axée sur la bonne gouvernance, la réduction des charges des entreprises et un zeste de populisme. Le groupe parlementaire réunit de vieux routiers de la politique et de jeunes profils, l'alliage sera intéressant à suivre et l'attitude au Parlement crédibilisera ou pas le retour de ce parti au premier plan, maintenant que les «partis administratifs» n'existent plus. À gauche : le désert La gauche non gouvernementale, trop divisée malgré les alliances ne peut même pas envisager un groupe commun. Le parti socialiste de Bouzoubaâ a préféré déserter les rangs et rejoindre le groupe PPS. Les autres devront faire de la figuration, le règlement intérieur du Parlement étant ce qu'il est. C'est donc dans la société que cette opposition peut s'exprimer, les parlementaires ne servent que de caisse de résonance institutionnelle à l'activité d'agitation propagande, qu'ils peuvent en retour alimenter en épaisseur technique, par une meilleure connaissance des dossiers. S'il ne se délite pas, le Parti travailliste a encore du champ, son attitude de débats ouverts, agrémentée de son statut d'opposant, peut lui permettre d'engranger. Par contre la coalition des gauches (Taliaâ, CNJ, PSU) s'enferme dans son schéma actuel. Contestation sur les fronts du social et de l'approfondissement des libertés. Les deux contraintes majeures restent en place. L'AMDH le fer de lance est phagocyté par les gauchistes d'Annahj qui récupèrent tout et cassent toutes les dynamiques. La deuxième contrainte vient de l'affaiblissement des syndicats. Difficile dans ce contexte de peser autrement que par les effets médiatiques et ceux-ci ont montré leurs limites. Le Maroc a pourtant besoin que cette gauche se structure pour peser sur la dérive droitière, opportuniste, démoralisante de la gauche gouvernementale qui n'a plus de référentiel. La différence des enjeux est telle que l'opposition ne représente aucun danger institutionnel pour la coalition au pouvoir. Est-ce à dire qu'on se dirige vers une législature tranquille ? Non, parce que la coalition est minée de l'intérieur et que les partis qui la constituent sont en déliquescence. A la moindre crise grave, elle risque d'éclater. C'est ce but que devraient se fixer les oppositions : un big bang politique.