Les politiques néo-libérales ne protègent pas les peuples, or c'est la première fonction régalienne des Etats. Il y aura un avant et un après la crise sanitaire mondiale. « Le monde a changé, j'ai changé, nous devons changer», a dit Emmanuel Macron. Il faisait référence aux dogmes économiques, de la réduction des dépenses de l'Etat de la politique de l'offre, du contrôle du déficit budgétaire. Cette doxa était devenue dictatoriale, n'importe quel économiste qui proposait une politique de relance, de renforcement des protections sociales était considéré comme un fou dangereux. Maintenant, les milliards pleuvent. Angela Merkel, chantre de la rigueur, a mis sur la table 550 milliards d'Euros, c'est plusieurs fois le PIB annuel du Maroc. Cet argent sera prêté sans limite et sans frais aux entreprises. En France, les vannes sont ouvertes à la fois pour soutenir l'économie (aucune entreprise ne fera faillite a promis Macron) et les structures hospitalières. Aux USA, le congrès a décidé que tous les tests seraient gratuits, ce qui n'est pas dans les gènes d'une nation qui refuse la notion de solidarité et privilégie celle de la responsabilité collective. Quid du nouveau modèle de développement ? Les dogmes néo-libéraux s'écrasent face à un simple virus. La récession est une certitude et cette fois avec une crise à la fois financière et deux chocs, celui de l'offre et celui de la demande. C'est inédit, cela dépasse non pas la crise de 2008 mais celle de 1929 et ses conséquences horribles. La mondialisation heureuse n'était qu'une illusion. L'Europe veut relocaliser la fabrication des médicaments, ce qui en augmentera les coûts et creusera les déficits des régimes sociaux. L'industrie automobile est à l'arrêt, parce que les stocks de pièces sont en tension. Ne parlons pas de l'hécatombe du transport aérien et du tourisme. Les plus libéraux parlent de la nécessité de nationaliser ou de renationaliser les entreprises stratégiques. Quelques mois de crise ont suffi pour mettre à terre l'idéologie néo-libérale et le monde tâtonne pour trouver des réponses. Au Maroc, nous devons nous poser ces questions. Cela tombe bien, la commission pour le nouveau modèle de développement n'a pas encore rendu sa copie, il faut qu'elle intègre ces débats. Notre premier souci doit être de sortir des millions de Marocains de la précarité. Le retour en force de l'Etat-providence et donc des services publics doit être une priorité, mais comment le faire sans renforcer les ressources de l'Etat ? C'est une équation difficile à résoudre, il faut le reconnaître. Mais tout choix dogmatique signifie qu'après la crise, il y aura des politiques d'austérité et donc l'approfondissement de la crise sociale et in fine, des troubles politiques. Nous n'avons pas le choix, il faut changer de braquet.