L a visite du président Français au Maroc revêt bien évidemment un caractère hautement politique. L'exemplarité et la réussite des réformes structurelles, le choix intransigeant du Maroc dans la lutte contre le terrorisme ont été salués. Au-delà, les deux pays partagent le même regard, le même positionnement sur les affaires du monde. Mais l'économie est omniprésente. Les conventions signées, vingt-neuf en tout, embrassent différents secteurs économiques. Les relations entre les deux pays ont beaucoup évolué. L'Etat marocain joue son rôle de stratège laissant aux entrepreneurs la mission d'agir pour étoffer ce partenariat et le rénover. Les réunions entre patronats se succèdent et sont de plus en plus ciblées, signe qu'on avance dans la voie ouverte par la coopération offi cielle. Les relations historiques, politiques, humaines sont ainsi mises au service du développement. Les Etats jouant le rôle de stratège. L es chiffres, mauvais, ont fini par impacter le débat public et il était temps. Il faut cependant, éviter l'une des erreurs les plus communes dans ce genre de situation, celle de confondre ce qui est structurel avec la conjoncture. L'illiquidité bancaire, par exemple est chronique, mais l'explosion des besoins en financement de l'économie est conjoncturelle. Il y a bien évidemment nécessité d'assainir les finances publiques en réformant le système de compensation et en diminuant la part de la masse salariale dans les dépenses publiques. Une véritable refonte fiscale est aussi une nécessité vitale, d'ailleurs réclamée par le patronat lui-même. Mais il faut éviter les réponses démagogiques. Affirmer par exemple, au pif, que l'on peut récupérer 5 milliards de dirhams juste en renforçant le contrôle fiscal est une fausse piste. Nul ne connaît l'exacte étendue de la fraude et de l'évasion fiscale. Il faut surtout éviter d'effriter encore plus la confiance des investisseurs, ébranlée par les difficultés actuelles. L e patron de Lesieur–Cristal, lors de la présentation des résultats de son groupe, a dénoncé l'effet de la contrebande sur cette activité. L'huile subventionnée en Algérie est vendue dans l'Oriental à des prix plus bas de 30 % que les prix du marché. Ce phénomène existe pour plusieurs produits. Quel que soit l'état des relations politiques, ce trafi c coûte cher aux deux économies. L'Algérie, parce que le Trésor public subventionne non pas la consommation des ménages, mais de gros trafics, et le Maroc parce que des entreprises nationales en souffrent. Les deux gouvernements devraient s'atteler sérieusement à combattre les réseaux mafi eux qui sévissent des deux côtés de la frontière, officiellement fermée depuis vingt ans mais véritable passoire en réalité. L'Algérie sait, par son passé récent, que ces réseaux sont aussi un danger sécuritaire, puisque l'AIS a été financée par la contrebande. Tout plaide en faveur d'une action vigoureuse concertée entre les deux Etats. ■