La nouvelle affaire de terrorisme est dangereuse parce que ses acteurs sont enracinés dans l'histoire de la mouvance islamiste. Au Maroc, tant que le sang n'a pas coulé, l'Etat est nécessairement suspect quand il parle de terrorisme. La nouvelle affaire ayant abouti à l'arrestation de dirigeants de partis politiques légalisés, ayant gagné en respectabilité par le biais de positions publiques, en faveur de la démocratie, a tout de suite suscité un réflexe faisant appel à la «complotite». Nous sommes en mesure de raconter toute l'histoire, contrairement à ce que d'aucun avancent. Elle a démarré par une affaire criminelle, quand l'un des auteurs du braquage de Bruxelles, arrêté par la police belge, a réussi à s'évader et à rentrer au Maroc avec un passeport marocain falsifié pour réclamer son dû, et a été interpellé alors qu'il était sur le point de quitter le territoire marocain avec son pactole. Il a dénoncé ses complices et, en particulier, le chef du gang, El Aarij, qui a été arrêté alors qu'il tentait de quitter le Maroc et s'est mis à table. Le réseau dénoncé est, en fait, dans la continuité de tous les mouvements islamistes violents depuis les années 80. Il n'a rien à voir avec la Salafiya Jihadiya. Sa filiation est la fascination engendrée par la révolution iranienne, sans que le chiisme entre en compte. Après l'assassinat d'Omar Benjelloun en 1975 et la dislocation de la Chabiba Islamiya, plusieurs mouvements avaient vu le jour, dont certains manipulés bien imprudemment par l'Algérie (le groupe de 84). Tous ces groupements ont opté pour la réunification dans ce que l'on a appelé l'«option islamiste» lors d'un premier congrès à Fès en 1990, et à Tanger en 1992, que le ministre de l'Intérieur cite comme l'acte fondateur de ce mouvement. Duplicité prouvée C'est en Belgique que ceux qui avaient initié l'arrestation s'étaient installés, et c'est de Belgique que le financement et autres ont continué à pénétrer. Quel rôle pour le Badil Al Hadari ? Les autorités ont saisi des documents ,préconisant une pénétration de l'espace public à la fois comme moyen de recrutement mais aussi comme base de repli pour éviter les suspicions, selon des sources proches de l'enquête. Les dirigeants politiques incriminés savaient, pour l'introduction des armes et surtout indiquaient les cibles. Le chef du réseau militaire a abattu six personnes en Belgique, directement ou par complice interposé, et un imam proche des services consulaires. Cela s'est passé à la fin des années 80. Le terrorisme n'était pas à la mode, d'où l'échec des policiers belges à trouver les coupables. Al Mouatassim et ses coaccusés auraient été au courant de ces agissements selon des officiels. L'hôtel acheté par le frère du principal suspect a été financé par le produit du braquage, introduit au Maroc en liquide, ce qui en dit long sur l'inefficacité absolue de la lutte contre le blanchiment d'argent. Le commissaire arrêté a assuré l'entraînement au maniement des armes et a informé ses coaccusés de ce qu'il avait pu savoir de l'avancement de l'enquête. Ces faits ne peuvent occulter le plus important : nous sommes face à la duplicité d'une partie des intégristes, qui a annoncé son adhésion à l'action démocratique. Cela peut-il légitimement jeter la suspicion sur les autres ? Faut-il céder à ces sirènes ? En outre, plusieurs associations versent une nouvelle fois dans la théorie du complot. Les faits et leur matérialité, les armes et l'argent saisis, les aveux corroborés seront publics dans quelques jours. N'empêche que le problème du terrorisme quitte, cette fois, la sphère de la Salafiya Jihadiya pour gagner tout l'islam politique, puisque plusieurs dirigeants du PJD ont été partie prenante de la fameuse «option islamiste». Ensuite, il ne s'agit plus de chair à canon, mais de membres des classes moyennes. Ceux qui répètent à l'envi que le terrorisme est lié à la misère en sont pour leurs frais. Le scoop, le véritable, c'est que ce réseau travaille depuis 20 ans…