Le secteur de la chaussure au Maroc est en mauvaise posture. Il fait les frais de la concurrence chinoise, de la mauvaise conjoncture économique, mais aussi d'une industrie en grande partie désorganisée. Après avoir longtemps fait bonne figure, le secteur de la chaussure commence à montrer des signes de faiblesse, voire de morosité. La valeur des exportations dans ce segment n'a augmenté que de 1,1% en 2011 alors que les exportations globales du Royaume ont réalisé une évolution de +7,9%. Et pour 2012, la tendance est même à la baisse : -19,6% sur les neuf premiers mois, en comparaison avec la même période de 2011. De plus, leur part dans le total des exportations est en diminution continue. De 7,1% en 2009, elle est passée à 6,8% en 2010, puis à 6,4% en 2011. Pour Mohamed Amaiz, président de la Fédération Marocaine des Industries du Cuir. (Fedic), « la situation du secteur aujourd'hui est très difficile car nous avons beaucoup misé sur les marchés traditionnels ». En effet, les plus gros clients de la chaussure marocaine restent l'Espagne et la France, avec respectivement 37,3% (899,1 MDH) et 30% (723,2 MDH), des exportations. Or ces pays connaissent une grave crise de consommation, ce qui grève la demande adressée aux exportateurs marocains. « Nous avons commencé à démarcher le marché américain », ajoute-t-il. Mais l'évolution de la parité Euro-Dollar, avec le Dirham au milieu, n'a pas permis de maintenir la compétitivité de la chaussure nationale. D'un autre coté, les importations marocaines de chaussures ont explosé, avec une augmentation de 33% en 2011, pour atteindre 770,68 MDH. Autant dire que l'industrie marocaine de la chaussure a pris un coup. Et pour cause, à qualité égale, une chaussure fabriquée au Maroc coûte 30% à 50% de plus cher qu'une autre produite en Chine, avec les frais de transport et de douane compris. Parallèlement à cela, « le rendement d'un ouvrier indien ou chinois est quatre fois plus élevé que celui d'un ouvrier marocain », déplore le directeur d'une petite usine en instance de fermeture. Pas étonnant alors que les ateliers qui fleurissaient ça et là dans les principales villes finissent par disparaître l'un après l'autre. Le marché local se porte mal Ce sont surtout les usines structurées qui exportent. Elles travaillent essentiellement pour le compte de grandes marques internationales ou pour des enseignes de grande distribution. Elles produisent en grandes séries, souvent supérieures à 10.000 paires, et travaillent souvent « à la façon », à partir de modèles et de matières premières fournies par les donneurs d'ordres étrangers. Mais pour les petits ateliers, qui alimentent essentiellement les magasins locaux, « la situation est encore pire », assure Mohamed Amaiz. Ces derniers souffrent de la concurrence asiatique et de la contrebande. De plus, la conjoncture économique difficile n'a pas aidé le marché marocain de la chaussure. « La vente diminue à cause de la crise et du faible pouvoir d'achat », estime Hakim Essafi, DG de l'enseigne Keyza, dont la chaussure constitue le produit principal. Ce designer de chaussures de formation, et fils d'industriel de la chaussure de surcroît, fait fabriquer la majeure partie de ses produits à l'étranger. « Mais nous gardons une partie de la production au Maroc », tient-il toutefois à préciser. Mais il assure cependant trouver des difficultés à produire dans le royaume : « il est très difficile de trouver des ouvriers formés et qualifiés ». Et ce n'est pas le fabricant menacé de faillite qui le contredit. Pour lui, « les jeunes d'aujourd'hui n'apprennent plus le métier. L'Etat n'a pas fait ce qu'il fallait pour promouvoir la formation dans ce domaine ». Et d'ajouter avec un brin d'amertume : « il n'a pas soutenu le développement de cette industrie en subventionnant des usines ou en accordant des aides ». Pour la Fedic, l'Etat doit prendre des mesures pour améliorer la situation du secteur : Limiter les importations, aider les entreprises structurées à maintenir leur compétitivité à l'international, tout en mettant en place un plan de mise à niveau pour les petites entreprises. La disparition des petits ateliers de fabrication « pose surtout un problème d'emploi », selon son président. Chacun de ces derniers emploie, en effet, une vingtaine de personnes au bas mot. De plus, ils travaillent souvent comme sous-traitants pour les usines structurée. Et dans ce cadre, la fédération a déjà pris les devants. Elle a accompagné 65 entreprises dans la région de Fès pour qu'elles soient mieux structurées afin de mieux résister aux fluctuations du marché. -19,6 % C'est l'évolution des exportations de chaussures sur les neuf premiers mois de 2012, en comparaison à la même période de 2011.