Les professionnels de l'industrie du cuir n'ont pas le sourire. C'est en effet dans un contexte plus que morose pour le secteur, qui figure parmi les métiers mondiaux du Pacte émergence, que se tient actuellement la 5e édition du Salon international du cuir Marocuir à l'Office des changes de Casablanca. À force de parler des tribulations du secteur du textile, on en aurait presque oublié la destinée du cuir. Néanmoins, les chiffres nous ramènent à la dure réalité. «Alors que les exportations ont atteint un chiffre d'affaires de 3,2 MMDH à fin 2011, avec une légère croissance de 2%, le secteur a entamé l'année 2012 avec une baisse de 5% de ses exportations. À fin juillet, les exportations du secteur (toutes branches confondues) accusent même une baisse de 17%. C'est surtout la filière chaussure qui est la plus touchée avec - 20% d'exportations» confie ainsi Mohamed Amaiz, président de la Fédération marocaine des industries du cuir (Fedic). Un constat d'autant plus inquiétant que la chaussure pèse entre 70 et 75% des exportations totales de l'industrie du cuir au Maroc. Bien sûr, l'explication à cette perte de vitesse du secteur est à chercher du côté de la crise, qui se poursuit du côté de l'Europe, marché traditionnel pour les professionnels du cuir marocain.«Touchés par la conjoncture, les Européens n'ont plus le pouvoir d'achat pour consommer autant qu'avant. Ce qui bien entendu a entraîné une baisse importante sur nos carnets de commandes» poursuit ainsi Mohamed Amaiz. Une diversification inévitable Pour remédier à cette situation, la Fedic entreprend enfin une stratégie de diversification de ses donneurs d'ordres. «Nous partons voir du côté africain» résume Mohamed Amaiz. «Nous savons qu'il s'agit d'un marché potentiel à forte croissance, même si nous ne pouvons pas chiffrer ce potentiel. Notre stratégie est de développer ces marchés. C'est pour cela que la 5e édition de Marocuir s'est tournée vers l'Afrique et le monde arabe» continue le président de la Fédération. Maroc Export, partenaire de longue date de Marocuir, prend ainsi en charge la visite d'une cinquantaine de décideurs et donneurs d'ordres originaires de ces régions. «Nous avons pris des contacts avec des opérateurs libyens, algériens, soudanais, irakiens et subsahariens qui représentent pour nous un réel potentiel, notamment pour la chaussure et la maroquinerie» précise Mohamed Amaiz. D'abord exportées vers l'Europe, certaines chaussures fabriquées au Maroc sont ensuite renvoyées vers l'Afrique ; une situation devenue quasi intenable pour les professionnels marocains. En attendant, le ralentissement de la production marocaine est bien là. La dernière note de conjoncture établie par la direction des études et des prévisions financières du ministère de l'Economie et des finances indique ainsi un repli de l'indice de production de 5,4% pour le secteur du cuir à fin juin 2012. Malgré le ralentissement de la production, aucune fermeture d'unités n'est à signaler, affirme-t-on du côté de la Fedic. «Néanmoins, les petits fabricants ont du mal à survivre» s'inquiète Mohamed Amaiz. Rappelons que l'industrie du cuir marocaine compte 358 unités industrielles formelles mais aussi des milliers de petits ateliers informels. Plus de 6.000 unités informelles de fabrication de chaussures sont ainsi installées dans la région de Fès et plus de 2.000 à Casablanca. À ce stade, plus de 250.000 emplois dépendent de l'avenir du secteur, alors que seulement 20.000 sont déclarés auprès de la CNSS. Le label de qualité attendra, pas la Bourse du cuir Confrontée à une série de maux, la Fedic tente tant bien que mal d'accompagner la modernisation du métier. Plusieurs chantiers sont ainsi lancés, avec le soutien du ministère de tutelle, le ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies. La semaine prochaine, nous connaîtrons le cabinet qui mènera l'étude pour la mise en place d'une Bourse du cuir permettant aux acheteurs de limiter les intermédiaires. Une étude pour la modernisation des tanneries est également prévue. Elle inclut la création d'un district dédié au cuir de 50 ha dans la zone industrielle de Ras El Ma, dans la région de Fès. Enfin, la Fedic est en train d'élaborer un contrat-programme dédié au cuir. Celui-ci doit être remis d'ici la fin de l'année au ministère de tutelle. Quant à l'introduction d'un label qualité Fedic, celui-ci comme pour d'autres actions prograllées , accuse du retard. «Tous les outils sont prêts. Néanmoins, nous préférons restructurer l'amont de la filière avant toute chose» précise Mohamed Amaiz. En attendant, les professionnels espèrent redresser la barre «un peu» d'ici la fin de l'année. Autant dire qu'à la Fedic, l'optimisme n'est pas au rendez-vous.