Suite à la parution dans la presse de certains extraits du rapport de la Banque Mondiale, voici en exclusivité les réactions de BAM, et plus particulièrement celles concernant la note relative au secteur financier. Le système bancaire marocain a toujours été ouvert aux investissements étrangers, comme en témoigne la présence de 5 filiales bancaires étrangères sur 16, ainsi que les participations étrangères significatives dans les autres banques. Des filiales de banques étrangères opèrent également dans le secteur du crédit à la consommation. Ainsi, plus du cinquième des actifs du système bancaire est détenu par des intérêts étrangers», commence par répondre d'emblée Abderrahim Bouazza, responsable de la direction de la supervision bancaire au sein de Bank Al Maghrib. Une précision qui vient répondre à l'un des principaux griefs adressé par le fameux rapport de la Banque Mondiale: l'existence d'entraves à l'entrée d'entités étrangères dans le secteur financier. Un constat qui amène immédiatement à se demander quelle est la réglementation en la matière au Maroc. «La législation bancaire ne prévoit aucune distinction entre nationaux et étrangers, pour peu que les conditions d'agrément soient respectées. Si le projet ne s'inscrit pas en conformité avec l'environnement légal et réglementaire, bien évidemment l'agrément ne peut pas être délivré», poursuit le représentant de BAM. C'est d'ailleurs la position adoptée par le Maroc dans le cadre de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce). En effet, l'offre marocaine exclut toute limitation, de quelque ordre que ce soit, pour l'accès au marché par des étrangers, via la création de nouvelles entités. D'après le management de BAM, l'appréciation des demandes d'agrément, quant à elle, se fait au vu de l'honorabilité et de la solvabilité des fournisseurs de capital et de la compétence professionnelle des dirigeants ainsi que de la qualité du projet industriel et de la valeur ajoutée qu'il est en mesure d'apporter au secteur. Concentration élevée dans les banques marocaines ? Des autorisations ont été accordées ces dernières années, et tout récemment, à des institutions étrangères pour opérer au Maroc. D'autres autorisations peuvent être délivrées. Mais la Banque Mondiale en cite deux qui entraveraient à l'accès au marché financier marocain principalement : la lenteur du processus d'agrément et les contraintes sur les mouvements de capitaux. «Dans le cas des demandes d'agrément pour l'exercice des activités d'établissement de crédit, le délai de réponse est fixé par la loi à 120 jours, à compter de la date de réception définitive de l'ensemble des éléments d'information requis pour l'instruction du dossier. Ce délai est d'ailleurs en conformité avec les meilleures pratiques internationales et les normes édictées par le Comité de Bâle», explique Bouazza. Le Comité des établissements de crédit, qui comprend des représentants de BAM et du ministère des Finances, se réunit régulièrement et chaque fois que nécessaire pour donner son avis sur chaque dossier d'agrément. S'agissant des contraintes sur les mouvements de capitaux, la charte d'investissement garantit le transfert des dividendes et le re-transfert des capitaux en devises investis. Sans compter que les mesures de libéralisation progressive du compte capital sont en train de se concrétiser, en vue de préparer la convertibilité totale du dirham une fois les conditions de réussite réunies. Le secteur bancaire marocain connaît, en effet, un mouvement de concentration, notamment depuis la fin des années 90: le nombre de banques est passé de 23 en 2000 à 16 actuellement. Et la Banque Mondiale pointe justement du doigt «un degré de concentration élevé particulièrement dans le secteur bancaire». Mais personne n'ignore que ce mouvement de concentration a résulté d'opérations de fusion absorption, soit de banques en difficulté par d'autres établissements de la place, soit de décisions s'inscrivant dans une logique de rationalisation ou de renforcement des parts de marché. Et il faut l'avouer, le résultat est là : les trois premières banques concentrent actuellement 67% des dépôts et 59,2% des crédits. «Ce phénomène de concentration a permis l'émergence des groupes bancaires nationaux qui sont en train de se forger une stature régionale. D'ailleurs, le même phénomène se déroule à l'échelle internationale où on assiste, presque chaque jour, à la naissance de groupes bancaires de taille de plus en plus importante. Aussi, nous ne pouvons pas nous permettre de rester passifs devant une telle évolution. Au contraire, il faut l'encourager tout en l'encadrant, de manière à préserver une saine concurrence et éviter qu'une banque se trouve en situation dominante sur le marché», s'insurge Abderrahim Bouazza, responsable de la direction de la supervision bancaire. D'autant plus que malgré ce phénomène, le marché bancaire marocain a connu ces dernières années une détente sur les taux d'intérêts, l'accélération de la croissance des crédits et l'élargissement des implantations bancaires. Un constat qui dénote, il faut l'avouer, l'existence d'une concurrence entre les banques, qui a bénéficié à d'autres couches de la population, notamment en ce qui concerne les prêts immobiliers. Autre épisode qui vient témoigner de la compétitivité du secteur bancaire marocain, notamment sur le segment des grandes entreprises, l'intervention de la Banque pour rappeler à l'ordre ces établissements contre toute dérive des taux. «Nous n'avons pas une position dogmatique en matière d'ouverture du marché bancaire à la concurrence étrangère, tout projet de création de banque est le bienvenu, pourvu qu'il soit porteur d'une réelle valeur ajoutée pour le secteur. Par exemple, les nouveaux entrants devraient présenter des projets industriels qui investissent de nouvelles niches et apportent des expertises nouvelles de nature à développer la gamme de services financiers et à contribuer à élargir le champ de la bancarisation à de nouvelles couches de la population. Tout apport d'entités étrangères de nature à renforcer la concurrence au bénéfice d'autres segments de la population ne pourra être que bénéfique», insiste Abderrahim Bouazza. L'intervention de l'Etat en question Pour ce qui est du secteur financier, le fameux rapport de la Banque Mondiale qualifie enfin l'intervention de l'Etat de trop importante. Commençons par faire un petit état des lieux. Aujourd'hui, l'Etat est présent dans le capital de la Banque Centrale Populaire et dans le Crédit Agricole et via la CDG, dans le CIH et certaines filiales. Globalement, le niveau d'implication de l'Etat dans le secteur bancaire a baissé ces dernières années. Ainsi, les intérêts publics ne représentent plus, à fin décembre 2007, que 26% des actifs bancaires. Une tendance qui devrait se confirmer, selon BAM, compte tenu des derniers amendements apportés aux textes organisant le CPM et le Crédit Agricole du Maroc, visant à réduire les restrictions à la détention de parts de leur capital par des investisseurs privés. Et au responsable de la direction de la supervision bancaire de BAM d'ajouter : «l'intervention publique dans le domaine économique, notamment financier, faut-il le rappeler, est historique et se justifiait par la carence de l'initiative privée au niveau de certaines activités considérées comme peu rentables ou à risque élevé». Le processus de privatisation a permis à l'Etat de se désengager progressivement au profit du privé. Du coup, la structure de l'industrie bancaire marocaine cadre globalement avec les standards internationaux pour ce qui est de la présence publique dans le capital de certaines banques. «Il y a lieu, cependant, de faire la part des choses et d'éviter tout dogmatisme en ce qui concerne le rôle de l'Etat dans l'économie de manière générale et dans le secteur financier en particulier. L'évolution récente sur le plan international enregistre un certain retour en force des Etats dans le capital de grands groupes bancaires internationaux de plusieurs pays à économie de marché, à la faveur de la profondeur de la crise qui secoue l'économie internationale et de l'ampleur des montants nécessaires à leur sauvetage», conclut Abderrahim Bouazza. A noter que la version du rapport de la Banque Mondiale présentée au gouvernement est provisoire. Rendez-vous donc lors de la publication officielle pour savoir si la position de la Banque Mondiale sera corrigée ou non…