Les représentants des organisations professionnelles du transport routier de marchandises pour compte d'autrui à Casablanca ont annoncé, mercredi 19 février, la suspension temporaire de la grève illimitée entamée plus tôt dans la journée au port de Casablanca. Cette décision intervient à l'issue d'une réunion d'urgence convoquée par les autorités locales afin de désamorcer les tensions nées de l'interdiction de circulation imposée aux poids lourds sur l'autoroute urbaine. Réunis au siège de la circonscription urbaine de Aïn Sebaâ, les délégués syndicaux et les représentants des associations professionnelles ont convenu, en concertation avec les autorités compétentes, de lever le mot d'ordre de grève, dans l'attente d'une réunion décisive programmée pour le mercredi 26 février. Cette rencontre, qui se tiendra sous l'égide du Wali de la région, rassemblera l'ensemble des parties prenantes pour examiner les doléances des professionnels du secteur. Au cœur de la discorde figure la récente installation de panneaux de signalisation interdisant l'accès des véhicules de plus de cinq tonnes à l'autoroute urbaine, un axe vital reliant le port de Casablanca aux principales zones industrielles et plates-formes logistiques. Les syndicats dénoncent une mesure prise sans concertation préalable qui complique considérablement le travail des transporteurs, contraints d'emprunter des itinéraires alternatifs, plus longs et coûteux. «Cette interdiction entrave gravement l'activité du secteur, en allongeant les délais de livraison et en augmentant les charges d'exploitation. Il est impératif de trouver un compromis garantissant à la fois la fluidité du trafic et les conditions de travail des professionnels», a déclaré un représentant syndical à l'issue de la réunion. En attendant la réunion du 26 février, les autorités locales se sont engagées à surseoir à l'application des sanctions relatives à cette interdiction, y compris les amendes pécuniaires et les retraits de points sur les permis de conduire. Les professionnels du transport ont fait valoir cette ouverture au dialogue mais ont prévenu qu'une absence de solution satisfaisante lors de la prochaine concertation pourrait entraîner la reprise immédiate de la grève, avec des répercussions majeures sur l'approvisionnement des zones industrielles et commerciales de la métropole. Mesures discordantes, itinéraires détournés, coûts alourdis Bien que les autorités aient, dans un geste d'apaisement, temporairement recouvert les panneaux litigieux de bâches plastiques, les transporteurs demeurent sceptiques. Ils redoutent une réinstallation discrète des interdictions et la reprise des verbalisations, assorties de sanctions comprenant une amende de 400 dirhams et le retrait de quatre points du permis de conduire. Devant cette incertitude, les syndicats appellent à une mobilisation générale et exhortent le wali de la région à intervenir d'urgence pour lever ces restrictions. Les professionnels du transport alertent sur les répercussions économiques et logistiques de cette mesure. Contrainte d'emprunter des axes secondaires, la circulation des poids lourds se trouve fortement ralentie, entraînant des surcoûts significatifs. Certains chauffeurs doivent désormais contourner la ville en passant par Mohammedia ou par la route de Jadida, rallongeant leurs trajets de plus de 60 kilomètres. Une situation intenable, selon les syndicats, qui évoquent des pertes conséquentes pour l'ensemble de la filière. Une réforme contestée du code de la route Parallèlement à cette mobilisation, la réforme du Code de la route, actuellement en consultation publique, suscite une levée de boucliers parmi les organisations professionnelles. Deux instances représentatives du secteur dénoncent un affaiblissement des sanctions en cas de dépassement des durées maximales de conduite et de non-respect des temps de repos. La suppression du retrait de permis au profit d'une simple amende, comprise entre 1 500 et 3 000 dirhams, est perçue comme une menace directe pour la sécurité routière. Les syndicats critiquent également l'absence de concertation autour de ces modifications. Ils fustigent une réforme élaborée sans implication des représentants du secteur et dénoncent une approche unilatérale du ministère de tutelle, déjà mise en cause par le passé pour des décisions similaires. Des répercussions sur la sécurité routière Les acteurs du transport mettent en garde contre les risques accrus d'accidents si ces nouvelles dispositions venaient à être adoptées en l'état. Dans un secteur où près de 80 % des opérateurs évoluent dans un cadre informel, l'assouplissement des sanctions pourrait encourager certains employeurs à imposer des cadences intenables aux conducteurs, sous peine de licenciement. Ils alertent également sur les lacunes du texte qui omet de préciser des points essentiels, notamment en matière d'enregistrement des temps de conduite. L'absence d'un cadre rigoureux ouvrirait ainsi la porte à des abus facilitant la falsification des registres de bord et privant les chauffeurs de leurs droits fondamentaux au repos et à des conditions de travail dignes. Un appel à la révision du projet de loi Face à ces préoccupations, les représentants du secteur exhortent le gouvernement à revoir sa copie. Ils demandent la réintégration des dispositions garantissant une meilleure protection des chauffeurs et des usagers de la route, ainsi qu'une véritable concertation avant l'adoption du texte. D'ici là, la contestation se poursuit sur tous les fronts. Entre la paralysie du transport à Casablanca et la fronde contre la réforme du code de la route, le secteur du transport routier marocain traverse une zone de turbulences sans précédent.