La réinvestiture de Donald Trump pour un second mandat présidentiel aux Etats-Unis alimente de vives préoccupations à Madrid où le gouvernement espagnol redoute des répercussions majeures sur l'accord fragile avec le Royaume-Uni au sujet de Gibraltar. Le retour du président républicain, qui a entamé son mandat lundi 20 janvier par la signature de plus de 200 décrets présidentiels touchant des sujets variés, de l'immigration aux réseaux sociaux, pourrait compliquer encore les négociations sur la gestion de la frontière entre l'Espagne et le Rocher, particulièrement après le Brexit. Un rapport alarmant de l'institut royal Elcano avertit que l'administration Trump pourrait "réduire les marges de manœuvre de la politique étrangère espagnole" et "porter atteinte à la finalisation de l'accord avec le Royaume-Uni concernant Gibraltar". L'accord-cadre conclu en décembre 2020 entre Londres et Madrid, destiné à intégrer Gibraltar dans l'espace Schengen tout en facilitant la circulation des personnes et des marchandises, reste suspendu à des négociations finales. Toutefois, Donald Trump pourrait bouleverser cet équilibre précaire, estime l'institut Elcano dans son rapport intitulé "L'Espagne dans le monde en 2025 : perspectives et défis". Le document souligne que "les pressions exercées par les Etats-Unis réduisent les marges de manœuvre de la politique étrangère espagnole, rendant plus difficile la gestion des relations sensibles avec le Maroc et la conclusion de l'accord avec le Royaume-Uni sur Gibraltar". Par ailleurs, l'Espagne pourrait également subir des tensions accrues dans ses relations avec Washington en raison de ses positions sur des dossiers internationaux sensibles, tels que la reconnaissance de l'Etat palestinien ou ses approches jugées trop conciliantes envers Cuba et le Venezuela. Le rapport met également en lumière l'insistance historique de Donald Trump pour que les membres de l'OTAN augmentent leurs dépenses militaires. Avec un budget de défense parmi les plus faibles de l'Alliance, l'Espagne risque de faire face à des exigences de Washington qui pourraient influer sur sa politique intérieure et extérieure. Dans le contexte du Brexit, Gibraltar – qui avait voté massivement pour rester dans l'Union européenne – est devenu un point névralgique des relations entre le Royaume-Uni et l'Espagne. L'accord-cadre signé en 2020 avait permis d'envisager une intégration du Rocher dans l'espace Schengen, facilitant ainsi la coopération transfrontalière. Cependant, l'institut Elcano alerte sur le risque qu'une politique plus agressive de la part des Etats-Unis entrave ces efforts. Dans le pire des scénarios, le processus pourrait être gelé, accentuant les tensions dans la région. À l'inverse, le rapport identifie une issue plus positive où des douanes seraient ouvertes à Ceuta et Melilla, renforçant l'intégration de Gibraltar dans Schengen. Une telle avancée permettrait à l'Espagne de consolider son image internationale en tant que puissance intermédiaire respectueuse du droit international et médiatrice entre le Nord et le Sud global. Alors que l'administration Trump entame son mandat, Madrid devra naviguer avec prudence face à ces défis, qui évoquent les interactions complexes entre politique étrangère, sécurité et relations bilatérales.