Les relations diplomatiques profondément détériorées entre l'Algérie et la France continuent de peser lourdement sur les exportations françaises de blé tendre pour la campagne 2024-2025. À ces tensions politiques s'ajoutent d'autres facteurs défavorables : une récolte nationale en berne, l'afflux de blé ukrainien sur le marché européen et la rareté des achats chinois. La France devra probablement redoubler d'efforts pour regagner ses parts de marché lors des prochaines campagnes. Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé des grandes cultures de FranceAgriMer, nommé par le site La France Agricole, a confirmé ce mercredi 15 janvier que l'Algérie est désormais «quasi, voire totalement fermée» aux blés français. Il a attribué cette situation à la dégradation notable des relations bilatérales entre Alger et Paris. «Sur une campagne comme celle-ci, où notre disponible à l'exportation est limité, cela reste un moindre mal. Néanmoins, il serait illusoire d'espérer une amélioration rapide des relations diplomatiques, ce qui maintient une incertitude majeure pour les prochaines années», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Une chute historique des exportations vers les pays tiers Les prévisions d'exportations françaises de blé tendre vers les pays tiers, déjà réduites à 3,5 millions de tonnes pour 2024-2025, atteignent leur plus bas niveau depuis la campagne 2000-2001, selon Habasse Diagouraga, analyste économique de FranceAgriMer, mentionné par la même source. La France voit ainsi une perte de parts de marché significative, particulièrement au Maghreb, qui constituait jusqu'alors une destination privilégiée pour ses céréales. Philippe Heusèle, secrétaire général de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), a rappelé que la reconquête de ces marchés pourrait s'avérer longue et complexe. «Après l'année noire de 2016, la France avait mis plusieurs années à regagner la confiance de ses partenaires hors Union européenne. Les pertes actuelles risquent de perdurer, même si notre production revient à des niveaux normaux», a-t-il averti lors des vœux de son organisation à la presse. La concurrence ukrainienne et la discrétion chinoise Parallèlement, l'ouverture des marchés européens au blé ukrainien, facilitée par les dispositions exceptionnelles de l'Union européenne au début du conflit russo-ukrainien, accentue la pression concurrentielle. Bien que l'Ukraine ait repris ses exportations via la mer Noire, ses volumes destinés au marché européen restent élevés, notamment en Espagne, où ils compensent la baisse de la production locale. «L'Ukraine trouve un intérêt économique certain dans le marché communautaire, tant pour sa proximité que pour la demande soutenue. Cette dynamique accroît indéniablement la concurrence avec la France», a souligné Clémence Lenoir, économiste chez FranceAgriMer. Sur le front asiatique, la Chine brille par son absence. Ce désengagement, particulièrement marqué pour l'orge, a conduit à une révision à la baisse des prévisions françaises d'exportation, désormais fixées à 1,9 million de tonnes contre 3,8 millions l'année précédente. «La Chine, qui représentait plus de 60 % de nos exportations d'orge, a drastiquement réduit ses achats depuis le début de la campagne. Nous nous concentrons désormais sur les marchés d'Afrique subsaharienne, où les exportations de malt remplacent largement celles de grain», a précisé Habasse Diagouraga. Cette réduction des volumes exportés, conjuguée à une faible demande internationale, a contribué à gonfler les stocks français, estimés à 1,61 million de tonnes à la fin de la campagne 2024-2025, un niveau inédit depuis 2008-2009. Alors que l'Algérie échappe à la filière céréalière française, la reconquête des marchés extérieurs s'impose comme une priorité absolue pour préserver la compétitivité nationale, notamment la route marocaine.