Arrêté mi-novembre à l'aéroport d'Alger, Boualem Sansal, écrivain franco-algérien et figure intellectuelle reconnue, est désormais placé sous mandat de dépôt par le parquet antiterroriste d'Alger. Officiellement poursuivi en vertu de l'article 87 bis du code pénal algérien – qui sanctionne sévèrement les atteintes à la sûreté de l'Etat et à l'intégrité nationale – l'auteur de 2084 : la fin du monde fait face à des accusations qui dépassent la simple expression de ses idées. Barlamane.com avait affirmé en primeur que le déclencheur de l'affaire serait une série de déclarations de Boualem Sansal au média français Frontières, réputé pour son positionnement radical. L'écrivain aurait exprimé des positions perçues par Alger comme un affront direct : il aurait soutenu l'idée que l'Algérie, dans ses frontières actuelles, aurait bénéficié de largesses territoriales sous la colonisation française, au détriment du Maroc. Une posture qui, dans le contexte des tensions historiques et géopolitiques entre Alger et Rabat, est considérée comme «un acte de trahison» par les autorités algériennes. L'Etat algérien, particulièrement sensible à toute remise en question de l'intégrité de son territoire, voit dans ces déclarations un «alignement manifeste avec les thèses marocaines», selon des analystes proches du pouvoir. Cette affaire intervient dans un climat déjà alourdi par des crises diplomatiques exacerbées et alimentées par l'Algérie, notamment autour de la question du Sahara. Agent d'influence ? Pour Alger, Boualem Sansal ne serait pas qu'un simple intellectuel. Le parquet antiterroriste algérien le soupçonne désormais d'agir en véritable «agent d'influence» au service des intérêts marocains, a appris Barlamane.com, mardi 26 novembre. «Les écrits et les propos de Sansal ne relèvent pas de la critique littéraire ou politique mais participent d'une campagne orchestrée pour déstabiliser l'Etat algérien», affirme un éditorialiste d'un quotidien proche du régime. Cette rhétorique officielle prend une dimension particulière avec l'évocation de l'article 87 bis, généralement réservé aux affaires de terrorisme ou de haute trahison. Le recours à cette disposition législative reflète la gravité des accusations portées contre l'écrivain. Une détention arbitraire qui suscite une indignation internationale L'arrestation de Boualem Sansal a provoqué une onde de choc dans le monde littéraire et au-delà. François Zimeray, avocat de l'écrivain, a dénoncé un «acte grave» qui porte atteinte à la liberté d'expression. En France, la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, Sophie Primas, a réagi en appelant à la prudence et à la discrétion diplomatique. «Les services de l'Etat sont mobilisés pour garantir à notre compatriote l'assistance consulaire prévue par le droit», a-t-elle affirmé devant l'Assemblée nationale, tout en reconnaissant l'émotion suscitée par cette affaire. Le spectre de la répression intellectuelle Boualem Sansal, connu pour ses critiques acerbes du régime algérien, est désormais présenté par Alger comme un homme ayant franchi la ligne rouge. Mais cette affaire soulève une question plus large : celle de la place des voix dissidentes dans une Algérie où la critique est de plus en plus perçue comme une menace existentielle. Pour de nombreux observateurs internationaux, cette affaire illustre une volonté des autorités algériennes de museler toute forme d'opposition en particulier lorsqu'elle touche à des sujets sensibles comme les relations avec le Maroc. Le sort de Boualem Sansal «reste suspendu à des décisions où la politique semble prendre le pas sur la justice», confie à Barlamane.com une source proche du dossier.