L'écrivain algérien Boualem Sansal porte un regard désespéré sur son pays qu'il estime « vacciné contre la démocratie et la modernité ». L'islamisme en Algérie, indique-t-il dans un entretien au journal algérien ‘'El Watan'' à l'occasion de la sortie de son dernier roman intitulé « 2084 », « se porte bien et n'a plus besoin du terrorisme puisqu'il est au pouvoir et que tout joue en sa faveur ». Jadis, rappelle-t-il, les pays chrétiens avaient réalisé la sainte alliance entre le sabre et le goupillon. En Algérie « la politique de Bouteflika a consacré la même alliance entre les casquettes et les turbans. Le pays leur appartient, il n'y a plus rien à faire », désespère Boualem Sansal. Il les compare (casquettes et turbans) à des « frères siamois ». « L'un a le pouvoir sur les corps et l'autre sur les consciences ». Selon lui, le peuple algérien pour se libérer « devra tuer les deux et en même temps. Mais c'est de la fiction, le peuple est divisé, il n'est ni en mesure, ni en situation de vaincre. » 132 années de colonisation n'ont pas brisé le peuple algérien « comme le régime Bouteflika l'a fait en une petite dizaine d'années », se désole Boualem Sansal. Sur la situation du paysage culturel et intellectuel en Algérie, Boualem Sansal la qualifie d'« affligeante ». « Comparé au paysage culturel et intellectuel de nos voisins marocains et tunisiens, le tableau algérien est sinistre. Il y a des gens qui se démènent pour faire des choses, mais le système ne tarde jamais pour venir les briser. Sans liberté et sans l'aide de l'Etat (ou de mécènes), il n'y a pas de culture, et sans culture tout s'atrophie, l'intelligence, la morale, le vivre-ensemble et le reste », dit-il. Le roman de Boualem Sansal est sorti cette semaine en France chez Gallimard, sous le titre 2084, en référence au livre « 1984 » de l'écrivain britannique George Orwell.