Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, comme à son habitude, vient de commettre un impair supplémentaire grave, en accusant le Maroc d'avoir commandité la prise d'otages au consulat d'Algérie à Gao au Mali, au mois d'avril 2012. Sans doute, ne se rappelle-t-il pas que son pays avait engagé des négociations avec les preneurs d'otages, qui ont duré plus de deux ans, avec la médiation du Mali et que certains des otages, remis en liberté, s'étaient exprimés sur leurs ravisseurs. Ahmed Attaf, en sa qualité d'ancien ministre des affaires étrangères, avait affirmé depuis sa retraite, avant d'être rappelé à nouveau aux mêmes fonctions, que les preneurs d'otages en voulaient à l'Algérie, après la guerre livrée aux islamistes, pendant dix ans. Tebboune aurait-il également oublié que les preneurs d'otages avaient exigé, en plus d'une rançon, la libération de certains de leurs activistes, détenus en Algérie, contre la remise en liberté des diplomates algériens. Il y'a lieu de rappeler que dans le même contexte, trois ressortissants européens, deux espagnols et un italien, avaient été enlevés, à la même période, par les mêmes cercles de ravisseurs, lesquels avaient revendiqué ces enlèvements. L'Algérie se serait opposée, au départ, au paiement de la rançon, exigée par les ravisseurs et fixée à quelques 15 millions de dollars. L'enlèvement des diplomates algériens a été commis, au lendemain de l'occupation de la ville de GAO, à l'issue de violents combats entre les forces militaires maliennes et des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'AZAWAD (MNLA), appuyés par les salafistes d'Ansar Eddine. Rapidement, la ville passe sous le contrôle des Salafistes d'Ansar Eddine et du Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'ouest (MUJAO), une dissidence d'Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Le Consul d'Algérie avait d'ailleurs alerté les autorités centrales sur la détérioration de la situation sécuritaire, mais la hiérarchie, peu soucieuse de la vie des diplomates, avait fini, après beaucoup d'hésitation, à ordonner à ses employés de demeurer sur place, malgré tout, alors que les rebelles touareg avaient proposé à Alger d'exfiltrer ses employés jusqu'aux frontières algériennes. Entre temps, le mouvement touareg avait organisé le transfert des familles des diplomates aux frontières algériennes, via des intermédiaires-trafiquants, contre la facturation de la prestation. Au départ, ce sont les rebelles touareg qui avaient libéré GAO et pris le contrôle de la dernière garnison de l'armée malienne sur place, avant qu'ils soient relayés par les groupes armés islamistes. Est-ce à dire qu'il s'agissait d'une passation, en bonne et due forme, entre le mouvement touareg, qui était sous contrôle des services de renseignements algériens, et leurs complices au sein des groupes armés radicaux islamistes !. Les services de renseignements algériens manipulent le mouvement touareg pour canaliser ses revendications territoriales et politiques au nord du Mali, avec exclusion du sud algérien de leurs prétentions. Ils jouent le rôle de médiateurs entre le gouvernement malien et le mouvement touareg au nord du pays, qui réclamait l'autonomie dans une portion de territoire englobant également le sud algérien. Le soi-disant rôle algérien pour la réconciliation et la paix au Mali est sous-tendu donc d'arrières pensées politiques et stratégiques, tendant à cantonner géographiquement les revendications du mouvement Azawad, dans le nord du Mali. C'est la raison pour laquelle certains analystes avaient accusé Alger d'avoir livré les siens aux terroristes et affiché beaucoup d'hésitation à les évacuer rapidement. Branche d'Al Qaida au Maghreb islamique, le mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'ouest (MUJA) se spécialise dans les prises d'otages et les rançons, outre sa vocation djihadiste, pour le financement de ses activités et la rémunération de ses hommes. En alliance avec les activistes de Ansar Eddine, il prit le contrôle de la ville, et enleva, Le 5 avril 2012, le consul d'Algérie et six de ses collaborateurs, apparemment tous des militaires. Sept mois plus tôt (Octobre 2011), le MUJAO avait kidnappé deux espagnols et une italienne dans la région de Tindouf. Les ravisseurs des diplomates algériens réclamaient une rançon de 15 millions d'euros et la libération d'activistes islamistes détenus à Alger contre la libération des diplomates algériens. Les autorités algériennes firent alors recours au chef d'Ansar Eddine, qui vécut longtemps dans le sud algérien, Iyad Ghaly, et qui s'était illustré déjà dans des médiations positives entre les rebelles AZWAD et le Mali, sous l'impulsion d'Alger. Après plusieurs mois de détention, trois otages sont libérés, sans apparemment de rançon, alors que les espagnols et les italiens auraient versé 30 millions de dollars. Entre temps, trois terroristes, dont un membre d'Aqmi, furent arrêtés en Algérie. Le MUJAO réclama alors leur libération contre la remise en liberté des diplomates. Alger s'y opposa. Ce n'est qu'en 2014 que deux des derniers otages furent libérés, le vice-consul ayant été assassiné, tandis que le consul, malade, est décédé en détention, alors que trois autres furent libérés plus tôt. Quelle aurait été la contrepartie ? Il est difficile de croire qu'aucune rançon n'avait été payée aux ravisseurs. Ultérieurement, le Mali et des pays européens, d'une part, et les ravisseurs d'autre part, avaient contracté un deal, pour la libération de nouveaux otages européens contre une importante rançon et la libération de 200 activistes islamistes en détention dans les prisons maliennes. *Journaliste et écrivain