Elisabeth Borne se rend en Algérie dimanche et lundi avec pas moins de seize ministres pour obtenir quelques contrats énergétiques dans le contexte de la guerre en Ukraine et du bras de fer entre Moscou et les Occidentaux sur l'énergie, sur fond d'étouffement médiatique des voix antirégime. La Première ministre française sera accompagnée d'une délégation de seize ministres et de plusieurs chefs d'entreprise pour ce déplacement lors duquel elle devrait rencontrer le président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon Matignon. Sa visite portera essentiellement les questions énergétiques alors que des dossiers plus sensibles sur l'immigration ou la question mémorielle font toujours l'objet de discussions. Malgré ses précautions oratoires, la question d'une augmentation des livraisons de gaz algérien à la France, dans le contexte de la raréfaction du gaz russe en Europe, sera certainement abordé. Un arrêt prolongé des livraisons russes aggraverait donc la crise énergétique dans laquelle se débat déjà la France, avec des prix qui flambent et la crainte d'un hiver très difficile. Néanmoins, la visite de Borne a été pollué par des bannissements médiatiques sans précédent en relation avec l'Algérie. Ferhat Mehenni, président du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK, organisation indépendantiste) a été brutalement censuré après que CNews, chaîne de télévision française d'information nationale en continu, a annulé au dernier moment un entretien avec le leader kabyle en exil, programmé depuis dix jours. Une censure semi-officielle destinée à ne pas déplaire à un régime chatouilleux à l'excès. Début septembre, le journal «Le Monde» a éliminé de son site une tribune sur la visite du président Emmanuel Macron en Algérie. Ce texte avait été retiré quelques heures après sa publication. Signé par le chercheur Paul Max Morin, il était intitulé «Réduire la colonisation en Algérie à une "histoire d'amour" parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle». Là aussi, l'Elysée est intervenu pour imposer ses diktats vexatoires, avec comme conséquence des accusations de censure contre Le Monde. Avant la guerre en Ukraine, les importations françaises de gaz naturel provenaient à 36% de la Norvège, principal fournisseur de la France, devant la Russie (17%), l'Algérie (8%), les Pays-Bas (8%), le Nigeria (7%) et le Qatar (2%), d'après des données de 2020 du ministère de la Transition écologique. Alors que Paris dit vouloir réduire sa sensibilité au gaz russe et à remplacer ces approvisionnements russes par du gaz d'autres provenances, Alger rechigne à offrir à la France ce qu'elle veut. Les relais officiels du régime se sont félicités de voir Emmanuel Macron repartir «les mains vides» après sa visite ratée fin août. Les présidents des deux pays avaient fin août ouvert la voie à un assouplissement du régime de visas accordés à l'Algérie, pour les étudiants, entrepreneurs, scientifiques, sportifs ou artistes, en échange d'une coopération accrue d'Alger dans la lutte contre l'immigration illégale. Mais, selon des informations certaines, l'Algérie tergiverse et ne collabore sur ce sujet que très modestement. «Les discussions n'ont pas encore abouti au moment où on se parle», a indiqué jeudi Matignon. La question des visas a empoisonné la relation bilatérale ces derniers mois après une division par deux de leur nombre par la France pour l'Algérie, jugée pas assez prompte à réadmettre ses ressortissants expulsés de France. Mme Borne présidera ensuite avec son homologue algérien Aïmene Benabderrahmane le cinquième Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), dont la dernière édition remonte à 2017. Une visite à Alger avait été envisagée en avril 2021 avec le prédécesseur de Mme Borne, Jean Castex et quelques ministres, mais elle avait été reportée à la dernière minute, dans un contexte de relations tendues avec l'Algérie. Les deux pays devraient signer des accords dans les champs de la formation, de la transition énergétique, de la coopération économique, de la jeunesse et de l'éducation, mais aussi sur des projets plus régaliens. Les ministres Bruno Le Maire (Economie), Gérald Darmanin (Intérieur) Catherine Colonna (Affaires étrangères) Eric Dupond-Moretti (Justice), Olivier Dussopt (Travail), et Pap Ndiaye (Education) seront notamment du voyage.