Le Premier ministre italien Mario Draghi était donné sur le départ jeudi, au lendemain d'une folle journée au parlement qui a vu sa coalition d'unité nationale imploser, suscitant l'inquiétude sur les marchés et en Europe. Longuement applaudi par le centre-gauche à la Chambre des députés jeudi matin, M. Draghi a immédiatement demandé une suspension de séance pour se rendre au palais présidentiel du Quirinal, où il est arrivé peu après 09H15 (07H15 GMT), et communiquer au chef de l'Etat Sergio Mattarella sa « décision ». En cas de probable démission, le président pourrait prononcer dans la foulée la dissolution du parlement et convoquer des élections anticipées pour cet automne. Dans cette hypothèse, Mario Draghi serait alors chargé d'expédier les affaires courantes jusqu'à la nomination de son successeur issu des urnes. Une conclusion attendue après que Forza Italia, le parti de droite de Silvio Berlusconi, la Ligue, la formation d'extrême droite de Matteo Salvini, et la formation populiste Mouvement 5 Etoiles (M5S) ont refusé de participer à un vote de confiance demandé mercredi par le Premier ministre au Sénat. Même s'il a finalement obtenu la confiance sur le fil, ces désertions en masse sont un désaveu pour Mario Draghi, qui s'était dit prêt à rester à son poste à condition que les partis de sa coalition rentrent dans le rang autour d'un « pacte » de gouvernement, déjà mis en péril la semaine dernière par une première défection du M5S. Arrivé à la tête de l'exécutif en février 2021 pour sortir l'Italie de la crise sanitaire et économique, M. Draghi, 74 ans, avait présenté sa démission le 14 juillet au président Mattarella, qui l'avait aussitôt refusée. – « L'Italie trahie » – M. Draghi estimait que son gouvernement d'unité nationale, allant de la gauche à l'extrême droite, était caduc après la crise provoquée par la défection le même jour lors d'un vote-clé, déjà au Sénat, du M5S, lui-même confronté à de fortes dissensions internes et à une hémorragie de parlementaires. « L'unique solution, si nous voulons encore rester ensemble, est de reconstruire à partir de ses fondements ce pacte, avec courage, altruisme et crédibilité », a-t-il de nouveau affirmé mercredi. « C'est ce que demandent les Italiens », a ajouté l'ex-chef de la Banque centrale européenne (BCE), fort des sondages affirmant que deux tiers des Italiens souhaitaient que « Super Mario » reste à la barre. Les défis intérieurs (relance économique, inflation, emploi) et extérieurs (indépendance énergétique, guerre en Ukraine) auxquels l'Italie et l'UE sont confrontées « exigent un gouvernement vraiment fort et solidaire et un Parlement qui l'accompagne avec conviction », a-t-il affirmé. Mais son appel a été ignoré par les poids-lourds de sa coalition, déjà les yeux rivés sur la campagne électorale à venir. Finalement, seuls le centre et la gauche incarnée par le Parti démocrate (PD) sont restés jusqu'au bout à ses côtés. La presse italienne analysait sans détour ce désaveu jeudi: « L'Italie trahie », titre ainsi le quotidien La Repubblica. « Adieu au gouvernement Draghi », écrit pour sa part le Corriere della Sera, tandis que La Stampa y voit une « honte ». Le commissaire européen à l'Economie, l'Italien Paolo Gentiloni, a jugé « irresponsables » les partis ayant fait défection, alors que Bruxelles et ses partenaires européens ont fait pression pour que M. Draghi, gage de stabilité, reste à son poste. Le départ pressenti de Mario Draghi, « pilier pour l'Europe », ouvre une « période d'incertitudes », a ainsi estimé jeudi la secrétaire d'Etat française chargée de l'Europe Laurence Boone. Les marchés scrutent eux aussi avec attention la situation. Le coût de la dette de l'Italie est reparti à la hausse et la Bourse de Milan a chuté jeudi matin, signe de la nervosité des marchés face à l'incertitude régnant dans la troisième économie de la zone euro. Vers 09H27 (7H27 GMT), l'indice FTSE MIB perdait 1,43% à 21.043,42 points, après avoir baissé de 2% auparavant, subissant ainsi de loin le plus fort recul des places européennes.