L'Algérie célèbre en grande pompe mardi le 60e anniversaire de son indépendance après 132 ans de colonisation française, dont la mémoire crispe toujours ses relations avec Paris en dépit des gestes symboliques de la France. Après près de huit ans de guerre entre les insurgés algériens et l'armée française, les armes se sont tues le 18 mars 1962 aux termes des accords historiques d'Evian, ouvrant la voie à la proclamation d'indépendance de l'Algérie le 5 juillet de la même année, approuvée quelques jours plus tôt par 99,72% des voix lors d'un référendum d'autodétermination. L'indépendance a été arrachée au terme de sept ans et demi de guerre qui a fait des centaines de milliers de morts, faisant de l'Algérie la seule ex-colonie française d'Afrique dans les années 1960 à s'affranchir par les armes de la tutelle de la France. Mais 60 ans après la fin de la colonisation, les plaies restent vives en Algérie alors que la France exclut toute « repentance » ou « excuses », bien que le président français Emmanuel Macron s'efforce depuis son élection d'apaiser les mémoires avec une série de gestes symboliques. « Soixante ans après l'indépendance, n'est-il pas temps de dépassionner cette histoire? », s'interroge l'historien Amar Mohand-Amer. La relation bilatérale semblait avoir atteint son plus bas niveau en octobre lorsque Emmanuel Macron avait affirmé que l'Algérie s'était construite après son indépendance sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire », suscitant l'ire d'Alger. « La géopolitique régionale très instable commande des postures fortes sur le moyen et long terme et la consolidation des relations politiques et économiques entre les deux pays », ajoute l'historien. « Instrumentation » Le président du parti d'opposition Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Athmane Mazouz, souligne que les « relations entre le système de pouvoir en Algérie et la France officielle sont rythmées par des crises et de pseudo-retrouvailles depuis l'indépendance du pays ». « Au stade actuel, personne ne peut parier un sou pour parler de refondation. L'instrumentation de cette relation d'un côté comme de l'autre n'échappe à personne », ajoute-t-il. Amar Mohand-Amer redoute que la politique de réconciliation mémorielle d'Emmanuel Macron ne soit mise à rude épreuve par les récents succès électoraux du parti d'extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national, en France. Marine Le Pen avait en effet réaffirmé en mars que « la colonisation avait contribué au développement de l'Algérie », reprochant à Emmnanuel Macron une politique consistant à « passer sa vie à s'excuser sans rien demander en contrepartie à un gouvernement algérien qui ne cesse d'insulter la France ». « La montée fulgurante du Rassemblement national aux législatives en France n'augure rien de bon. L'extrême droite française va transformer ce mandat en un grand champ de bataille mémoriel où le révisionnisme et la falsification de l'histoire seront omniprésents », met en garde l'historien Amar Mohand-Amer. Sur le plan intérieur, le pouvoir a mis à profit l'anniversaire pour tenter de faire oublier les crispations, trois ans après avoir été ébranlé par les manifestations prodémocratie du Hirak. Abdelmadjid Tebboune, plus faible que jamais, est victime de l'immobilisme politique après avoir dévitalisé l'opposition et domestiqué les organisations syndicales et patronales.