Pour l'Organisation des moudjahidine, l'historien Benjamin Stora a «occulté les crimes coloniaux» dans son rapport. La puissante Organisation des moudjahidine (ONM), qui représente les anciens combattants algériens de la guerre d'indépendance (1954-1962), n'a pas du tout apprécié le rapport rendu le 20 janvier par l'historien français Benjamin Stora. Elle reproche à ce dernier d'avoir «occulté les crimes coloniaux». Des crimes «perpétrés par l'Etat français, de l'aveu des Français eux-mêmes», selon le secrétaire général par intérim de l'ONM, Mohand Ouamar Benelhadj, qui s'est exprimé dans une vidéo diffusée sur la chaîne YouTube de l'organisation. Cette réaction – la première émanant d'un organisme officiel algérien depuis que l'historien a remis son travail au président français Emmanuel Macron – n'est pas une surprise. L'ONM exhorte en effet régulièrement la France à «s'excuser» pour les crimes commis durant les cent trente-deux ans qu'a duré la colonisation de l'Algérie (1830-1962). «Des crimes contre l'humanité» Pour le moment, ni le président Abdelmadjid Tebboune, soigné en Allemagne pour des «complications» post-Covid, ni le directeur des archives nationales Abdelmadjid Chikhi, chargé d'un travail parallèle sur la question mémorielle, ni le ministre des anciens combattants ne se sont encore exprimés sur le sujet. L'ONM, de son côté, met sérieusement en doute la sincérité de Paris. Pour son secrétaire général, le fait «d'écarter toute possibilité d'excuses de la part de la France officielle pour ses crimes coloniaux est de nature à torpiller les tentatives de réconciliation avec la mémoire». «Les Algériens n'attendent pas de l'Etat français une indemnisation financière pour les millions de vies (perdues), mais l'appellent à reconnaître ses crimes contre l'humanité», a ajouté M. Benelhadj, selon des propos relayés par l'agence officielle APS. Critiques nombreuses Ce dernier juge que la France a traité de tout temps la question mémorielle avec l'Algérie avec « des objectifs (politiques) cachés » et suspecte Emmanuel Macron de jouer cette carte dans la perspective de l'élection présidentielle de 2022. De nombreuses attaques – certaines très virulentes – ont déjà émané de médias, d'historiens et de commentateurs algériens déplorant notamment que le principe «d'excuses» ait été écarté par le président français. Spécialiste reconnu de l'histoire contemporaine de l'Algérie, Benjamin Stora a également été la cible de critiques en France, notamment de la part d'organisations de harkis, ces supplétifs qui ont combattu au côté de l'armée française. Le président Macron s'est engagé à prendre des «actes symboliques » pour apaiser les mémoires sur la guerre d'Algérie et réconcilier les deux pays.