L'Espagne et le Qatar ont resserré mercredi leurs liens économiques lors d'une visite d'Etat de l'émir Tamim ben Hamad Al Thani, jugée stratégique par Madrid qui cherche à diversifier son approvisionnement en gaz depuis la guerre en Ukraine. Lors de cette visite de deux jours, la première en Espagne de l'émir qatari depuis son accession au trône en 2013, « douze accords ont été signés » entre les deux pays, portant notamment sur l'économie, le commerce, l'éducation et les sciences, a indiqué le gouvernement espagnol, sans donner de détails. Le Qatar a par ailleurs annoncé une forte hausse de ses investissements en Espagne, de l'ordre de cinq milliards de dollars (4,75 milliards d'euros) « au cours des prochaines années », a ajouté l'exécutif espagnol. Madrid et Doha n'ont pas précisé à ce stade les projets et secteurs qui pourraient bénéficier de ces investissements. Cela intervient quelques semaines après que le ministère algérien de l'énergie a menacé de rompre le contrat de fourniture de gaz à l'Espagne si cette dernière venait à l'acheminer «vers une destination tierce», en l'occurrence le Maroc. Le gouvernement espagnol avait annoncé en février qu'il allait aider Rabat à «garantir sa sécurité énergétique» en lui permettant d'acheminer du gaz à travers le GME après qu'Alger a cessé de l'alimenter. Le géant algérien des hydrocarbures Sonatrach a fourni en 2021 plus de 40 % du gaz naturel importé par l'Espagne, dont l'essentiel lui parvient à travers le gazoduc sous-marin Medgaz, d'une capacité de 10 milliards de m3 par an. Cela n'empêche pas Madrid de penser à sa souveraineté énergétique. Une convention a été signée entre le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) et l'agence publique de financement espagnole Cofides, pour « identifier des opportunités d'investissement » en ligne avec le plan de relance européen post-Covid-19 axé notamment sur les énergies renouvelables et le numérique. La hausse des investissements annoncée par l'émir du Qatar est « un geste de confiance vis-à-vis de l'économie et des entreprises espagnoles », s'est félicité le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, lors d'un forum économique avec des responsables de la délégation qatarie. Selon Madrid, le Qatar était, avant la pandémie, le 24e investisseur étranger en Espagne, avec un volume d'investissement de 2,67 milliards d'euros fin 2019. Avec l'engagement pris mercredi par les autorités qataries, ce chiffre sera donc appelé à quasiment tripler. Troisièmes réserves de gaz au monde « Dans le contexte actuel de conflit en Ukraine, ce nouveau cadre stratégique bilatéral revêt une importance particulière pour l'Espagne », insiste dans son communiqué le gouvernement espagnol, qui met en avant la question de sa « sécurité énergétique ». Le Qatar, qui possède les troisièmes plus grandes réserves de gaz au monde, est actuellement le cinquième fournisseur de gaz naturel de l'Espagne, derrière les Etats-Unis, l'Algérie, le Nigeria et l'Egypte. Le gaz provenant de l'émirat a représenté 4,4% du total des importations espagnoles en avril. D'après Madrid, cette part pourrait augmenter, au vu des capacités de production du Qatar. « Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues européens » sur l' »approvisionnement en GNL (gaz naturel liquéfié, NDLR) à long terme » de l'UE, avait ainsi assuré avant la visite l'ambassadeur du Qatar en Espagne, Abdullah Al-Hamar, dans un entretien au quotidien espagnol « 20 minutos ».