Le déclin algérien a donné un souffle nouveau à l'esprit de conspiration, dont on observe aujourd'hui plus qu'hier d'inquiétant symptômes. Trop souvent noyées dans des considérations politiques ou des jugements moraux, les assertions du régime algérien, en déficit de légitimité, creusent parfois jusqu'à l'absurde, au paradoxe et à la mise en abyme. Retour sur les tribulations tragicomiques d'une année 2021 fertile en complots. L'Algérie a fait face en 2019 à «un dangereux complot contre ses institutions», déjoué «par le Haut commandement militaire», a estimé le 30 décembre 2019 le chef d'état-major par intérim de l'armée, en référence au mouvement de contestation du régime. Le général s'exprimait lors de sa première prise de parole publique, à l'occasion d'une réunion avec les cadres du ministère de la Défense et de l'état-major de l'armée, dont la date n'a pas été précisée. Depuis, un tsunami de complots, imaginaires, ont été dénoncés par le pouvoir en crise. «Vous avez des problèmes divers, variés, qui s'accumulent et vont crescendo ? Evoquez un complot. Un genre qu'Alger a élevé au rang d'un des beaux-arts. Elle le fait avec une détermination remarquable, une persévérance saisissante. Dégainer un complot chaque mois n'est pas chose aisée. En faire usage chaque année relève d'une obstination peu commune», avait écrit Le Point en 2020, non sans ironie. Selon le régime algérien, la Banque mondiale «est sortie de son cadre d'institution financière internationale pour se transformer en un outil de manipulation et de propagande» après un rapport explosif qui prédit «un séisme économique» dans le pays compte tenu de la «vulnérabilité» de ses exportations. «Manifestement, il y a un complot visant à nuire à la stabilité du pays», n'hésite pas à affirmer l'APS. Un étudiant contestataire algérien, Walid Nekkiche, accusé notamment de «complot contre l'Etat», a été condamné début février à six mois de prison ferme, a indiqué le Comité national de libération des détenus (CNLD) sur sa page Facebook. Le ministère algérien de l'intérieur a annoncé le 3 mai suspendre et poursuivre en justice 230 pompiers ayant manifesté la veille à Alger pour l'amélioration de leurs conditions de travail et salariales, dans un climat social dégradé, avant de diffuser un communiqué dans lequel il qualifiait d'«illégale» leur marche des pompiers évoquant «un complot contre le pays». Mi-septembre, le journaliste et défenseur des droits humains Hassan Bouras a été a été inculpé d'«appartenance à une organisation terroriste, apologie du terrorisme, et de complot contre la sécurité de l'Etat visant à changer le système de gouvernance», selon son avocat. Le Maroc, qui s'est dit disposé à aider l'Algérie pour lutter contre les incendies meurtriers ayant fait rage dans le nord du pays lors de la saison estivale, a été accusé par le régime de Tebboune de les attiser. Le roi Mohammed VI a donné des instructions afin d'exprimer «la disponibilité du royaume du Maroc à aider l'Algérie à combattre les incendies de forêts qui ravagent plusieurs régions du pays», d'après un communiqué du ministère des Affaires étrangères marocain. «Deux Canadair ont été mobilisés afin de participer à cette opération, dès accord des autorités algériennes», d'après la même source. Une main tendue ignoré, alors que des centaines d'algériens ont péri dans des dizaines d'incendies contre lesquels pompiers, militaires et volontaires ont tenté de lutter avec des moyens précaires. La rupture des relations diplomatiques entre Rabat et Alger est une réponse à au complot de la reprise des relations entre Israël et le Maroc, suivie par des échanges commerciaux entre ces deux pays ou la création de lignes aériennes. Les arrestations et la répression politique contre le «Hirak maudit» ont été abondantes cette année. Deux organisations notamment sont visées et considérées comme «terroristes», le mouvement islamiste Rachad, héritier de l'ex-Front islamique du salut (FIS), et un mouvement kabyle fondé en 2001 qui revendique l'autodétermination de cette région de l'Algérie, le MAK (Mouvement d'autodétermination de la Kabylie) qui serait, selon les accusations d'Alger, soutenu par Rabat dans le cadre d'un «vaste complot». Le MAK a été essentiellement ciblé cette année. Des «cellules criminelles», démantelées et «composés de partisans du mouvement séparatiste», organisation interdite en Algérie, selon le ministère de la Défense nationale (MDN), ont été des annonces courantes. Ses membres sont (souvent) «impliqués dans la planification d'attentats et d'actes criminels lors des marches et des rassemblements populaires dans plusieurs régions du pays». Pour compléter le tableau, des armes de guerre et des explosifs sont saisis lors de chaque opération «menée par les services de sécurité», dans le cadre d'une «dangereuse conspiration ciblant le pays».