Depuis 2019, le régime algérien semble être travaillé par une sorte de fièvre intermittente, dont les crises reviennent à des époques fixes et à des intervalles souvent trop courts. De quoi alimenter un discours complotiste qui fait fi des réalités. La politique de l'épouvantail est très utile pour délier les cordons de la multicrise. Jusqu'aujourd'hui c'étaient le peuple et ses projets d'une meilleure vie qui en faisaient les frais. Menées ténébreuses, accusations qu'on porterait contre le Maroc et qui trouvent peu de créance, malhonnêtes procédés, suppositions chagrines et boudeuses, le régime algérien ne sait plus quoi inventer pour se sauver. La fâcheuse habitude de se débarrasser des problèmes par des procédés qui manquent de lucidité devient la marque d'un pouvoir tumultueux et bavard des leçons d'ordre, d'obéissance, de tenue, et surtout de silence. Tout commence quelques jours après la mort de Ahmed Gaïd Salah, ancien chef d'état-major et vice-ministre de la défense. Son successeur, Saïd Chengriha, a annoncé, fin 2019, que l'Algérie avait fait face à un «dangereux complot» en 2019, qui aurait eu pour but de «neutraliser ses institutions». Des propos vagues destinés à tenir l'absurde pour vrai, au moment où l'animadversion que le régime professe à l'égard de ses voisins se manifeste en toute rencontre et en toute occasion. Selon des sources françaises; le Haut commandement militaire faisait référence au mouvement de contestation du régime. Le général Chengriha s'exprimait lors de sa première prise de parole publique, à l'occasion d'une réunion avec «les cadres du ministère de la défense et de l'état-major de l'armée». Le 8 août, face à la presse nationale, le président algérien Abdelmadjid Tebboune déblatère les mêmes propos. Tout en rappelant la nécessité pour les Algériens d'être «persuadés que leur pays est une puissance régionale», il alerte contre les tentatives de «minimiser» le rôle pionnier de l'Algérie, menées par des parties qui «édictent des prescriptions en coulisses par le biais des guerres, dites de quatrième génération qui visent la déstabilisation du pays en exploitant ses enfants», des déclarations reprises par l'agence officielle APS telles qu'en inventent ces romanciers dont l'imagination ne se refuse rien et creuse à plaisir dans le noir. En vain Tebboune affirmait-il que les passions belliqueuses n'exerceraient aucune influence sur ses déterminations, il a prouvé plus d'une fois que ce n'est pas le cas. Le président qui gouverne le pays du fond d'un ermitage ; a beaucoup de lourds dossiers et il s'en soucie «aussi peu qu'un éléphant se soucie d'une aiguille.» En avril, il a mis en garde les manifestants du mouvement prodémocratie du Hirak contre tout «dérapage», alors qu'une foule d'étudiants, d'enseignants et de sympathisants défilaient à Alger, comme chaque mardi, pour réclamer plus de libertés. Le président algérien profite des réunions du Haut-Conseil de sécurité (HCS) pour distribuer menaces et remontrances, alors que la grave crise politique et socio-économique qui ébranle le pays le plus peuplé du Maghreb met son avenir en suspens. Le HCS qui regroupe les principaux hauts responsables de l'Etat, notamment le premier ministre, le ministre des affaires étrangères, son collègue de l'intérieur et le chef d'état-major de l'armée et le patron de la gendarmerie, a récemment accentué la répression sociale et politique contre tout mouvement social el Algérie. Pour Saïd Chengriha, le Hirak n'est qu'un complot qui «vise la stabilité de l'Algérie et les fondements de l'Etat, ainsi que la neutralisation de ses institutions constitutionnelles, pour l'entraîner dans le bourbier du chaos et de la violence». En avril, le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), interdit, et le mouvement islamo-conservateur Rachad, qui n'a pas d'existence légale en Algérie ont été déclarés organisations terroristes sans aucune justification de cette décision. Discrètement aux manettes, le haut commandement militaire a constamment balayé les revendications de la rue et refusé de sortir du «cadre constitutionnel». Il a réussi à imposer une présidentielle qui a élu le 12 décembre 2019, sur fond d'abstention record, Abdelmadjid Tebboune pour succéder au président malade Bouteflika. Qu'importait aux phraséologues de profession du régime algérien que le crédit de l'Etat en fût réduit aux dernières extrémités ? Que leur importait la dépréciation vraiment désespérée de tous les indicateurs économiques ? Le moyen de s'opposer à la volonté unanime de la nation qui réclame un Etat civil ? Faire entendre le langage de la froide déraison complotiste à un peuple enfiévré qui réclame un changement réel. L'Algérie vit de contradictions, il en est cependant de si criantes qu'elles ne peuvent se soutenir longtemps.