Dans un entretien accordé au magazine panafricain Jeune Afrique, Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat regrette le silence des autorités françaises face à la répression en Algérie. «Monsieur le ministre, que pouvons-nous faire pour garantir [les libertés fondamentales] en Algérie ?». Le 26 mai, la sénatrice française Laurence Rossignol a interpellé Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères sur le virage répressif que connaît le pays, rapporte le magazine Jeune Afrique qui a interviewé l'ancienne ministre. Celle-ci dénonce les procédures pénales iniques engagées contre des militants, des défenseurs des droits de l'homme, des étudiants, des avocats, des blogueurs et des citoyens qui ont participé à la contestation spontanée antiautoritaire matérialisée par une remise en cause du régime et des institutions traditionnelles délégitimées. Plusieurs personnalités françaises et européennes ont fait entendre leur inquiétude quant au comportement d'Alger. Laurence Rossignol a déclaré «condamner les interpellations» ainsi que «l'usage manifestement injustifié de la force qui les a entourées», a-t-elle annoncé. Dans ses réponses, elle a «rappelé son attachement à la liberté d'expression et l'importance d'organiser des élections libres et transparentes». Le sénatrice qualifie de «manifestations pacifiques» les marches qui se sont tenues dans la le pays depuis février. «Parce que la situation des droits humains en Algérie est plus que préoccupante et qu'il incombe à la diplomatie française d'œuvrer à la diffusion des valeurs universelles censées nous guider : la justice et le respect de la dignité humaine. Je suis une militante antiraciste de longue date» a pointé la sénatrice. Plusieurs organisations internationales ont «appelé l'Algérie à libérer sans délai les militants incarcérés et à se conformer aux engagements auxquels elle a souscrit en tant que membre de l'ONU». Les arrestations opérées par le régime algérien étaient «disproportionnées et immotivées, vu la nature pacifique des protestations» avait annoncé récemment Amnesty. En mai, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies a réclamé au pouvoir de mettre immédiatement fin aux violences contre des manifestants pacifiques et d'arrêter les détentions arbitraires. Régulièrement, plusieurs centaines de membres de la diaspora algérienne en Europe se rassemblent à proximité des institutions européennes pour exprimer leur soutien au mouvement antirégime Hirak et dénoncer la duplicité des pays européens. «Il y a une escalade de la répression en Algérie contre les manifestants pacifiques, avec des arrestations massives, de la torture, des viols. C'est une catastrophe, le peuple est assiégé et nous sommes ici pour le dénoncer», a déclaré une des organisatrices de ces rassemblements. Début avril, le régime a accusé le Hirak populaire d'être infiltré par des activistes islamistes, héritiers du Front islamique de salut (FIS, dissous en mars 1992) pour justifier les interdictions des marches pacifistes. Une décision liberticide annoncée en marge d'une réunion du Haut-Conseil de sécurité (HCS), qui regroupe les principaux hauts responsables de l'Etat, notamment le premier ministre, le chef de la politique étrangère, son collègue de l'intérieur et le chef d'état-major de l'armée et le patron de la gendarmerie. Le régime a validé un texte pour classer comme organisations terroristes le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), interdit, et le mouvement islamo-conservateur Rachad, qui n'a pas d'existence légale en Algérie. Abdelmadjid Tebboune a mis en garde les manifestants du Hirak contre tout «dérapage» et des « activités malveillantes» qui «tentent de menacer la stabilité en Algérie». Plus de 300 manifestants du Hirak restent écroués majoritairement pour «atteinte à l'unité nationale».