Près de 20 personnes ont été condamnées à des peines de prison cette semaine en Algérie pour avoir tenté de participer à des marches du mouvement de contestation du Hirak, a indiqué une ONG de défense des droits humains. Plus de 2 000 manifestants ont été interpellés, dont près d'une centaine a été placée en garde à vue et une soixantaine sous mandat de dépôt, a rapporté Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), qualifiant la situation d'«inquiétante». Pour briser toute opposition dans la rue avant les élections législatives du 12 juin, le ministère de l'Intérieur a décidé d'obliger les organisateurs des marches du Hirak,un mouvement sans véritable leadership, à «déclarer» au préalable les manifestations auprès des autorités, ce qui revient à les interdire. Depuis, les rassemblements du Hirak ont été empêchés à Alger et dans certaines villes, entraînant des vagues d'interpellation à travers le pays. «Rien que vendredi dernier il y a eu au total près de 800 interpellations dans 15 wilayas (préfectures)» sur 58, a affirmé Saïd Salhi. Si la plupart des interpellés ont été relâchés dans les heures qui ont suivi, une cinquantaine ont été présentés dimanche devant les tribunaux et 17 condamnés à un an de prison ferme. «Près de trois mois après la grâce présidentielle du 18 février, on revient à un chiffre de 160 détenus», a déploré Saïd Salhi. Stratégie électoraliste Parmi les personnes poursuivies et condamnées, figurent des militants connus du Hirak, comme Slimane Hamitouche, des opposants politiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes. Le parquet a requis mardi un an de prison ferme contre Kenza Khatto, journaliste politique de la station privée Radio M, arrêtée le 14 mai alors qu'elle couvrait une tentative de marche du Hirak à Alger. Les chefs d'inculpation retenus sont généralement: «atteinte à l'unité nationale», «incitation à attroupement non armé» et, depuis l'interdiction des rassemblements, «non-respect des mesures administratives». Malgré deux échecs cinglants, la présidentielle de 2019 et le référendum constitutionnel de 2020, marqués par une abstention record, le régime, appuyé par l'armée, est déterminé à appliquer sa stratégie électoraliste, sans tenir compte des revendications de la rue (Etat de droit, transition démocratique, justice indépendante, etc). Né en février 2019 du rejet d'un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, le Hirak réclame un changement radical du «système» politique en place depuis l'indépendance en 1962. Le pouvoir affirme avoir déjà répondu aux principales revendications et qualifie les militants du Hirak de «magma contre-révolutionnaire». Le 18 mai, le Haut conseil de sécurité algérien a classé comme «organisations terroristes» deux mouvements antirégime basés à l'étranger: le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) et le mouvement islamo-conservateur Rachad. Dimanche, huit militants du MAK ont été placés sous mandat de dépôt et huit autres sous contrôle judiciaire, selon la LADDH. À Oran (nord-ouest), 15 hirakistes accusés d'appartenir à Rachad sont poursuivis pour «participation à une organisation terroriste» et «complot contre l'Etat», dont le professeur Kaddour Chouicha, défenseur des droits humains, son épouse journaliste Jamila Loukil et le militant Saïd Boudour. Des «charges fabriquées de toutes pièces», selon Amnesty International.