L'affaire Zakaria Moumni prouve encore une fois que l'incurable démangeaison de médire du Maroc est un tare. La presse française, parvenue à dénaturer le débat sur ce dossier, à l'envenimer, mais non pas à le grandir, n'en a pas évoqué les dernières évolutions, pourtant cruciales. Un silence obstiné, qui interpelle. Zakaria Moumni, inépuisable en invectives, et qui s'adresse aux institutions marocaines avec tous les opprobres que lui suggère l'amertume de son humeur, n'a plus aucune crédibilité. Les mots des avocats du Maroc, Yves Repiquet et Ralph Boussier, prononcés en 2016, paraissent aujourd'hui prémonitoire, tombés comme un glaive que rien ne pouvait détourner : «le crédit médiatique qui a été accordé aux propos de M. Moumni [est] définitivement ruiné.» La presse française a longtemps rapporté l'affaire de ce «sportif», avec des couleurs trop chargées, faisant la part belle aux déclarations grossières, aux déclamations déraisonnables. Sans délicatesse. Soupçonné de chantage et d'extorsion de fonds, Zakaria Moumni a longtemps accusé le Maroc d'avoir proposé une transaction, par le biais d'un émissaire. Une version que semblent contredire des extraits d'enregistrements publiés par un média marocain. C'est bien Zakaria Moumni qui a négocié un accord financier lors d'une rencontre dans un des hôtels de Rabat. Cinq millions d'euros. Une avance de 10 000 euros reçue. Aujourd'hui, les articles de la presse française sur cette affaire paraissent entachés de la partialité la plus flagrante. Manquant de la sève d'un esprit journalistique qui remue les bonnes questions sans crainte d'anticiper sur l'avenir, certains médias ont couvert ce dossier en accordant aux interventions des ONG une étonnante permissivité. «Zakaria Moumni, un jeune boxeur qui a porté plainte en France pour torture contre le patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi. Cette affaire avait nourri un désaccord diplomatique entre Paris et Rabat» : longtemps, les contrevérités entourant le cas Zakaria Moumni ont été ressassées par certains médias sans vérification. «Mis à nu, il est battu, torturé à l'électricité, empêché de dormir, privé de nourriture, ligoté sur une chaise ou maintenu à genoux douze heures consécutives, comme l'ont rapporté plusieurs organisations de défense des droits de l'homme, telles que la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH), Human Rights Watch, Amnesty International ou encore l'Association marocaine des droits humains de Khadija Ryadi», raconte sérieusement le journal Le Monde en 2011. Malheureusement cet estimable labeur narratif n'a pas pour résultat l'authenticité. Les vérités tonitruantes de Mustapha Adib L'ex-capitaine de l'armée Mustapha Adib est catégorique : Zakaria Moumni n'a pas été «torturé, c'est une fausse victime, il a mystifié une partie de la presse française», «deux ressortissants marocains se sont vraiment plaints qu'il leur avait soutiré de l'argent, en échange de la promesse d'un travail en Europe, c'est attesté», a-t-il raconté dans une capsule vidéo sur sa chaîne YouTube. Pour M. Adib, Zakaria Moumni «n'a jamais indisposé les autorités» et «n'a pas le droit de réclamer un poste de conseiller sportif au ministère de la jeunesse et des sports», «poste auquel [il] pensait avoir droit, en vertu d'un décret royal datant de Hassan II, ce qui est inexact.» «Zakaria Moumni n'a pas le don de l'invention. Ses assertions ne sont qu'un faux, un faux bien caractérisé. Il s'agite dans une arène souillée par le mensonge. Par suite de circonstances restées jusqu'ici incomplètement expliquées, il a longtemps nourri une mixture de balivernes imbéciles», a affirmé le quinquagénaire installé aux Etats-Unis. M. Adib va plus loin : «le livre de Zakaria Moumni, L'Homme qui voulait parler au roi, publié chez Calmann-Lévy (en 2015) est bourré d'affabulations.» «Champion du monde de kickboxing light contact en 1999» ? «Son titre est factice, non reconnu». Je sais la vérité de Zakaria Moumni depuis 2010, c'est un escroc», flingue-t-il. En janvier 2010, Zakaria Moumni ira manifester seul sous les grilles du château du roi Mohammed VI dans l'Oise, au nord de Paris. Coïncidence ? La presse française, indécrottable, rapporte : «En février 2014, [Zakaria Moumni] dépose une plainte pour torture en visant notamment Abdellatif Hammouchi, patron de la DGST, qu'il accuse d'avoir assisté aux sévices qu'il aurait subis». M. Adib rétablit les faits : «Zakaria Moumni a tout inventé. C'est un menteur pathologique.» Zakaria Moumni ne doit son salut juridique qu'à la faveur d'une loi surannée sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, selon laquelle «un Etat ne peut engager une procédure en diffamation envers les particuliers». Suivant ce raisonnement interlope, la Cour de cassation «a repoussé» les recours (trois pourvois et trois questions prioritaires de constitutionnalité) que le royaume du Maroc avait déposés pour faire avancer la plainte contre Zakaria et Taline Moumni. Le Maroc a également invoqué la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il forme trois pourvois en cassation et dépose trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), mentionnant notamment «une différence de traitement entre l'Etat français et les Etats étrangers», dans l'exercice du droit à un recours juridictionnel, sans que la justice puisse se prononcer sur cette affaire. L'ACAT, Amnesty, FIDH, LDH et HRW se sont opposées à la nouvelle convention d'entraide judiciaire franco-marocaine signée en 2015, en marge du scandale Moumni, lequel a été marqué par un autre événement : la décoration d'Abdellatif Hammouchi : « La France avait déjà eu l'occasion de distinguer monsieur Hammouchi en 2011 en lui attribuant le titre de Chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur. Elle saura prochainement lui témoigner à nouveau son estime en lui remettant cette fois les insignes d'Officier. » Deux épisodes lourds de sens.