En envoyant une patrouille militaire dans une zone infestée de mines antipersonnel datant de l'ère coloniale ou de la décennie noire, l'armée algérienne s'est possiblement rendue coupable d'un assassina prémédité. Objectif: justifier de futures hostilités contre le Maroc C'est à Béni Boussaïd (wilaya de Tlemçen), et plus précisément à Déglène, à proximité de la RN99, que l'explosion a eu lieu. Un soldat est mort, deux autres blessés. Comme à son habitude, l'Algérie a immédiatement accusé le Maroc qui, semble-t-il, a non seulement la capacité opérationnelle de s'infiltrer en profondeur dans le territoire algérien jusqu'à atteindre Blida, à moins de cinquante kilomètres d'Alger, pour gâcher la pelouse d'un stade, mais peut aussi intervenir à souhait au-delà de la ligne de front réputée inviolable qui sépare l'Algérie du Maroc. L'explosion aurait eu lieu mercredi 13 octobre, soit le jour même où l'Algérie a annoncé le démantèlement d'une cellule terroriste née d'une invraisemblable cabale maroco-israélienne. Etonnante concordance, et incroyable simultanéité des faits. Les généraux semblent si pressés de monter leur dossier qu'ils en oublient de sauver les apparences de la vraisemblance. Surtout que le « film » du démantèlement a fait rire au Maroc comme en Algérie. Si, par chance, se tiennent cette année Les Gérard du cinéma, célèbre cérémonie satirique qui récompense les pires films et les pires acteurs, la DGSN algérienne raflerait au moins quatre Gérards dans trois catégories: un Gérard du réalisateur qui continue à faire des films en toute impunité malgré un CV déjà passablement chargé, un Gérard du réalisateur qui fait toujours le même film, mais en un peu moins bien à chaque fois, un Gérard de l'acteur qui aurait vraiment mieux fait de continuer à faire des sketches et, enfin, un Girard du film halal. Tandis que la version francophone de l'APS (agence officielle algérienne de presse) qualifie l'engin explosif de « bombe de confection artisanale », pour ajouter foi à la thèse d'un attentat, la dépêche de la rédaction arabophone de l'agence, elle, évoque « une mine artisanale », ce qui est plus proche de la réalité sans l'être tout à fait. Nous y reviendrons. Que des champs de mines abondent dans le territoire algérien n'est un secret pour personne. Celles-ci datent majoritairement de l'ère coloniale et de la décennie noire, durant laquelle l'armée algérienne avait coutume de « piéger » les sites sensibles et les pylônes de haute et de très haute tension, pratique reconnue par l'Etat algérien lui-même dans ses rapports internationaux. Le minage de ces positions était expliqué par le fait qu'elles « constituaient des cibles privilégiées des groupes terroristes ». « La pose de ces champs a été exécutée en 1994 et 1995, soit avant l'avènement de la Convention d'Ottawa », se justifiait rétrospectivement le gouvernement algérien. Parmi les sites minés par l'armée algérienne durant la guerre civile, on retrouve certains au sein de la deuxième région militaire, qui couvre le nord-ouest du pays ainsi qu'une bonne partie de la frontière avec le Maroc, et qui englobe notamment la wilaya de Tlemçen. La localisation précise des champs de mines n'a jamais été rendue publique. 9172 mines antipersonnel auraient été retirées, soit l'intégralité, prétend l'armée algérienne, ce que nous contestons. Nous y reviendrons également. En 2017, cinquante-cinq ans après l'accession du pays à l'indépendance, l'Etat algérien avait annoncé la fin des opérations de déminage. 8.854.849 mines avaient été détruites, et 62.421 hectares assainis selon une dépêche de l'agence de presse officielle. Pourtant, moins d'un an après l'annonce de l'achèvement du déminage, une explosion est survenue, mettant en doute la crédibilité de l'annonce algérienne et la régularité du processus de déminage: en 2018, deux enfants, une fillette et un garçon âgés de 11 et 7 ans, ont été tués tandis que deux autres, âgés de 10 et 7 ans, ont été blessés dans l'explosion d'une mine au sud de Tlemçen, la même wilaya où a été enregistrée l'explosion de la mine attribuée au Maroc. Selon l'Association des victimes des mines antipersonnel de la wilaya de Tlemcen, 33 décès et des centaines de blessures ayant entraîné un handicap ont été recensés au cours des dernières années au niveau de la wilaya, tous imputables à l'explosion de mines de l'ère coloniale. Selon les données présentées par l'Etat algérien en 2017 dans sa déclaration d'achèvement du déminage conformément à la convention d'Ottawa, les engins explosifs français auraient fait 7300 victimes, dont 1625 après l'accession du pays à l'indépendance. 274 décès ont été enregistrés à Tlemçen entre 1962 et 2015, et 25 847 blessures ayant entraîné un handicap. La proportion des décès dûs aux mines plantées par l'armée algérienne durant la décennie noire n'est en revanche pas communiquée, ce qui laisse penser que ce chiffre est soit dilué dans celui des décès et des blessures attribués aux mines de l'époque coloniale, et c'est la France qui endosse, soit prêté à des groupes terroristes. Tout au plus, on sait que l'Algérie revendique le retrait de 15.907 mines posées durant la décennie noire. Il est difficile de croire qu'elles n'ont causé aucune victime civile ou militaire, et qu'elles n'ont pas fait de collatéral. Il est fort possible que nombre de mines qualifiées d'« artisanales » par l'armée algérienne soient en réalité des explosifs datant de la guerre civile, surtout que certaines explosions attribuées aux groupes islamistes sont survenues dans des zones maintes fois ratissées, n'ayant enregistré aucune activité djihadiste ces dernières années, et sans que les coupables puissent être retrouvés et neutralisés malgré les opérations de recherche. Les mines françaises abondent tout au long de la ligne Morice, du nom du ministre de la défense André Morice, responsable du bouclage des frontières séparant l'Algérie de son voisinage (Maroc et Tunisie) à partir de 1957. Dans sa section ouest, la ligne Morice s'étend sur 700 kilomètres, de Marsat Ben M'hidi (Wilaya de Tlemçen) à Bechar, selon un rapport du gouvernement algérien. Elle traverse les localités de Beni-Boussaid, où est décédé le soldat algérien, El Aricha, Mechria, Ain Sefra, Djenien Bourezgue et Beni Ounif notamment. En consultant le rapport élaboré par l'Algérie en 2016 pour justifier de l'application de la Convention d'Ottawa, on retrouve ainsi la mention de « 3 tronçons allant de l'Est de la RN 99 des limites avec Béni Boussaid à celles de Souani », et plus crucial encore, de deux tronçons minés dépendant de la localité de Beni Boussaïd, et qui représentent plus de 122 hectares, soit dans le pourtour où l'explosion a eu lieu. L'Algérie aurait-elle « omis » de déminer des sections de la bande frontalière la séparant du Maroc ? Probablement. Par négligence, ou volontairement. Dans la première hypothèse, c'est la rigueur des opérations de déminage à la frontière qui est à questionner, tandis que dans la seconde, elle aurait sciemment laissé des zones piégées, croyant que celles-ci joueraient en sa faveur dans l'hypothèse d'un conflit. L'état-major de l'armée algérienne ignorait-il pour autant leur emplacement ? Possible, mais que ce ne ne soit pas l'est tout autant: dans le premier cas, le décès du soldat algérien relève de l'accident malheureux. Dans le deuxième, l'envoi de soldats en patrouille dans une zone qui, en réalité, est un champ de mine, tient de l'assassinat prémédité. Il ne manquait jusqu'à présent qu'un ingrédient au régime militaire pour justifier des hostilités contre le Maroc: une agression. Si le fratricide commis par l'armée de l'est envers ses propres hommes se confirme, le voisin de l'est tient désormais ce qu'il cherchait. Au prix d'une vie écourtée…