Depuis la rupture des relations avec Rabat, les prises de paroles d'Abdelmadjid Tebboune sur le sujet ont été attendues avec un certain intérêt. Corvée. Un président qui veut donner à tout ce qu'il dit un grand air, et multipliant de sèches énumérations sur des sujets surannés est un président en crise. Pendant plus d'une heure durant, le 10 octobre, Abdelmadjid Tebboune a répondu aux questions de deux représentants de l'Etablissement public de télévision (EPTV). Filmée, la rencontre a été multidiffusée par les chaînes algériennes. Question : qui impose à Abdelmadjid Tebboune ces entretiens télévisés et les réunions du Haut-Conseil de sécurité (HCS) ? En jetant à la face de ses intervieweurs les mots terribles de guerre, de complot, de banqueroute, Tebboune espérait obtenir une facile et bruyante adhésion à ses vues. Les questions intérieures algériennes sont graves et nombreuses, les unes d'intérêt matériel, les autres d'organisation politique. Pourtant, Tebboune s'y est peu attardé. Tant de dépenses oratoires faites pour contenter la junte militaire qui dirige de facto le pays prouvent assez les inquiétudes qui pèsent sur un président sans légitimité. Les rapports de Tebboune avec la vérité sont, on le comprend, délicats et compliqués. On le savait : l'obsession du pouvoir algérien à l'égard du Maroc ne chôme pas ; il n'y a pas pour elle de saison d'été. L'automne s'annonce de la même couleur. «Le Maroc a financé des éléments extrémistes durant la guerre civile algérienne», «Le Maroc a toujours été expansionniste», Le Maroc est hostile depuis toujours à l'Algérie» : il faut reconnaître que le pouvoir algérien, qui se dissimule de ses responsabilités avec tant de précaution, cherche aussi par tous les moyens à faire diversion. Mensonges, approximations, et nulle compensation à offrir à un peuple qui souffre dans sa liberté, dans ses droits, dans sa prospérité matérielle. En toutes choses, jusque dans les questions économiques, Tebboune était, dimanche, hardiment baratineur, et n'affichait qu'un souci médiocre pour la réalité au moment où il en détruisait les restes. Aucun commentaire sur les constats arlamants de Geneviève Verdier, chef de division du FMI pour le Moyen-Orient et l'Asie centrale, qui a mis en lumière le creusement du déficit budgétaire algérien, la croissance en berne, passée de 0,8 % en 2019 à -4,9 % en 2020, l'inflation de 4,1 % en moyenne annuelle, l'effondrement des signaux macroéconomiques, etc. «S'endetter serait un suicide pour le pays», a tonné Tebboune. Sauf que l'interdiction de recourir à la «planche à billets» pour juguler la tendance inflationniste a été formulée et «l'épuisement rapide des réserves de change» qui sont passées de 62,8 milliards de dollars en 2019 à 48,2 milliards de dollars à la fin de 2020, a été mis en exergue. Mais pour redresser la situation calamiteuse, le FMI recommande au régime algérien un ajustement budgétaire général qui devrait être entamé en 2022 et «s'échelonner sur plusieurs années» afin de «maintenir la viabilité de la dette». Quand un pouvoir affirme résolument son principe, le concert des nations sait comment se conduire avec lui ; mais quelle route suivre, quel langage tenir, lorsque les apparences de la liberté se mêlent à un autoritarisme déboussolé, lorsqu'une autorité ébranlée se cache sous des fictions nationalistes ? Au milieu de ces obscurités, tout devient péril et naufrage. Pour Tebboune, La France qui renie son passé est un ennemi déclaré, tandis que les cercles diplomatiques français se demandant sans cesse avec effroi de quelle manière elles pourront contenter ce système algérien ambiguë, mal défini, et dont les limites échappent. Pour elles, le manque de sincérité des institutions algérienne a nui aux relations bilatérales. Abdelmadjid Tebboune est un homme qui manque de ressources pour sortir d'embarras dans les situations difficiles ; sa vue ne s'étend guère au-delà des soucis du moment. Placé en présence d'un peuple qui supporte malaisément l'incompétence de son régime, il invente cette sorte de légitimité déguisée. Crises, mauvais maniement des finances, Tebboune a désorganisé son pays, et l'a ainsi rendu incapable de résister aux causes de dissolution intérieure. Résultat ? on accuse les supposés ennemis du dehors de tous les maux. Le plus dangereux, c'est ce régime algérien parvenu à se convaincre, que, pour apaiser les agitations intérieures de son pays, il fallût une puissante diversion à l'extérieur, et désormais il n'hésiterait pas un instant à engager la lutte, à tort ou à raison, peu importe sa cible. L'Algérie, quoi qu'on en dise, ne possède pas les moyens nécessaires que la prévoyance politique recommande à une nation qui a souci de ses intérêts et de sa dignité. Ce que redoute les observateurs, c'est la faiblesse qui paraît incurable de ce régime algérien qu'un rien inquiète, qu'un rien ébranle, qu'un rien peut renverser.