Pour tenter de museler ses ennemis, notamment, les manifestants du mouvement prodémocratie du Hirak, les héritiers du Front islamique de salut (FIS, dissous en mars 1992), le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), interdit, le mouvement islamo-conservateur Rachad ou encore le Maroc, le régime algérien utilise une instance consultative consacrée à la sécurité nationale pour gérer le pays, au détriment des institutions représentatives, bloquées ou déligitimées. Les grandes décisions depuis fin 2020 en Algérie (y compris la rupture avec le Maroc) ont été prises lors de réunions du Haut-Conseil de sécurité (HCS), qui regroupe les principaux hauts responsables de l'Etat, notamment le premier ministre, le ministre des affaires étrangères, son collègue de l'intérieur et le chef d'état-major de l'armée et le patron de la gendarmerie. Ces derniers jours, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) mais également le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), ont alerté sur le danger que présente désormais la toute-puissance du Haut-Conseil de sécurité (HCS) qui en est arrivé au point de légiférer sur plusieurs dossiers. Le procédé, symbole de la crise institutionnelle du régime, se situe dans le droit fil du discours du régime, dont un de ses représentants, le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, présente désormais la contestation populaire comme un «pseudo-Hirak» que «certaines parties extérieures instrumentalisent dans leur guerre contre l'Algérie». Début avril, le régime, acculé, a tenu une réunion du HCS. Pour circonscrire le Hirak, qui lui échappe, il l'a accusé d'être infiltré par des activistes islamistes, héritiers du Front islamique de salut (FIS, dissous en mars 1992), qui chercheraient à entraîner la contestation populaire dans la confrontation violente. Une accusation sans aucun fondement présentée pour lutter contre de présumés «dérapages qui sortent du cadre de la démocratie et des droits de l'homme». Lors de la même réunion, le HCS, obsédé par certains «milieux séparatistes et de mouvances illégales proches du terrorisme» a publié un texte annonçant le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), interdit, et le mouvement islamo-conservateur Rachad, qui n'a pas d'existence légale en Algérie, comme organisations terroristes. Une décision qui a produit moult réactions en Algérie et ailleurs. En août, le régime a décidé de «revoir» ses relations avec le Maroc. Une décision qui a été prise lors d'une réunion extraordinaire du Haut Conseil de sécurité algérien présidée Abdelmadjid Tebboune, lors d'une réunion supposément consacrée à l'évaluation de la situation après les gigantesques feux de forêt qui ont fait au moins 90 morts dans le nord du pays. Selon le président Tebboune, les sinistres étaient d'origine «criminelle» – sans que ne soit présentée jusqu'à présent la moindre preuve. Dans la foulée, Tebboune présente les résultats d'une enquête réalisée à la hâte ayant permis de «découvrir qu'un réseau criminel classé comme organisation terroriste» est derrière les incendies. Des conclusions surréalistes qui ont provoqué la consternation des observateurs. C'est lors de cette même réunion aussi qu'il a été annoncé que le meurtre de Djamel Bensmaïl porte la trace du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), une organisation indépendantiste. Le régime accuse une organisation basée en France d'être responsable des incendies et de la mort scabreuse du jeune homme! Le plus dangereux encore, c'est que la modification du Code pénal publiée jeudi 10 juin 2021 au Journal officiel a été adopté, selon le site d'information TSA «le 30 mai lors de la réunion du Conseil des ministres sous la présidence d'Abdelmadjid Tebboune». L'ordonnance prévoit d'élargir la définition du terrorisme ainsi que de dresser «une liste nationale des personnes et entités terroristes» s'est alarmé Saïd Salhi, vice président de la ligue algérienne des droits de l'Homme (LADDH). L'atrophie présidentielle en Algérie est devenue désormais institutionnelle, tant elle est contamine la structure même du jeu politique algérien. Ne s'encombrant ni d'une constitution ni d'un débat pluriel, le HCS remplace désormais des organes informels laminés par de conflits entre factions se disputant le pouvoir durant cette conjoncture critique du pays. Le collège des prétoriens a pris le risque d'affaiblir les institutions civiles de l'Etat au risque d'accentuer la corruption politique et de capoter tout mécanisme de contrôle et de régulation des problèmes.