Rationnement de l'eau, flambée des prix des denrées alimentaires et crise économique majeure exacerbée par la Covid-19 : les Algériens veulent une «nouvelle indépendance» et une «nouvelle vie». Hausse des prix à la consommation, 500 000 emplois perdus, taux d'inflation moyen annuel de 2,6 % à la fin janvier 2021, la crise en Algérie est terrible. Dans le centre et le sud d'Alger, où la situation est la plus préoccupante, un dispositif de rationnement d'eau a été mis en place dans plusieurs communes avoisinantes. La stratégie actuelle est d'alimenter les quartiers les plus touchés par camions citernes et au moyen de réservoirs d'eau mis à disposition in situ. La réduction des réformes en matière d'aménagement du territoire conduisent à une aggravation des écarts socio-économiques entre la capitale et les périphéries. L'Algérie, entrée en récession depuis, s'enfonce dans la crise économique avec une contraction de son produit intérieur brut (PIB) et une explosion du chômage. Le pays souffre notamment de la chute du prix du baril, d'une forte inflation et une pénurie de devises étrangères. Le ralentissement des exportations a entraîné une lourde pénurie de réserves étrangères, plombant l'économie du pays. En avril, le gouvernement a annoncé la nomination de médiateurs amorcer des discussions sur les prix du lait, alors que les producteurs ont lancé une journée nationale de mobilisation. Depuis début, le pays est en proie à de violentes émeutes nocturnes en Kabylie, à l'est d'Alger, mais aussi à Tizi Ouzou et à Béjaïa, ainsi qu'à Annaba, déclenchées par un taux de chômage élevé et une hausse récente des prix des produits alimentaires de base. Les élections législatives ont été marquées par une abstention historique (77 %) qui témoigne le rejet des Algériens d'une classe politique largement discréditée. Le vote avait été rejeté à l'avance par le mouvement contestataire du Hirak et l'opposition laïque et de gauche. Le régime a choisi un diplômé de l'Ecole nationale d'administration (ENA), qui a fait ses armes à l'inspection générale des finances, à la Banque d'Algérie et au ministère des finances pour gérer la situation calamiteuse du pays. Déterminé à enterrer la contestation populaire, le régime a de facto interdit ses manifestations et multiplié les interpellations et les poursuites judiciaires visant ses militants, des opposants politiques, des universitaires et des journalistes. Plus de 86 ONG algériennes et internationales ont récemment interpellé le Conseil des droits de l'homme de l'ONU à propos de cette «escalade répressive» et de «la criminalisation incessante des libertés fondamentales». Les réunions du Haut-Conseil de sécurité (HCS) contribuent désormais à mater l'opposition politique. Abdelmadjid Tebboune a organisé des élections législatives anticipées le 12 juin pour tenter de répondre à la crise multiforme qui ébranle le pays, un scrutin que la contestation populaire a qualifié de «mascarade». Plus de 250 membres du Hirak restent emprisonnés selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Acculé, le pouvoir accuse désormais le Hirak d'être infiltré par des activistes islamistes, héritiers du Front islamique de salut (FIS, dissous en mars 1992), qui chercheraient à raviver la confrontation violente avec les autorités. Face aux marches du Hirak qui ont repris avec vigueur fin février, le président Tebboune, honni par les manifestants, a dénoncé les «dérapages qui sortent du cadre de la démocratie et des droits de l'homme», avertissant qu'à l'avenir «l'Etat sera d'une absolue intransigeance». Abdelmadjid Tebboune a durci son discours d'une réunion du Haut-Conseil de sécurité (HCS), qui compte les principaux hauts responsables de l'Etat, notamment le premier ministre, le ministre des affaires étrangères, son collègue de l'intérieur et le chef d'état-major de l'armée et le patron de la gendarmerie. Lors d'une réunion houleuse tenue fin mai, le HCS «s'est penché sur les actes subversifs et les graves dérapages émanant de milieux séparatistes et de mouvances illégales proches du terrorisme, qui exploitent les marches hebdomadaires», du Hirak, selon un communiqué diffusé. Le texte a visé spécifiquement le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), interdit, et le mouvement islamo-conservateur Rachad, qui n'a pas d'existence légale en Algérie.