L'organisation de défense des droits humains, Amnesty International (AI) a appelé l'Algérie à « cesser d'invoquer de fausses accusations de terrorisme pour poursuivre en justice militants pacifiques et journalistes ». « Les autorités algériennes se servent de plus en plus d'accusations liées au terrorisme formulées en termes vagues pour engager des poursuites contre des journalistes, des défenseur.e.s des droits humains et des militant.e.s politiques », dénonce AI dans un communiqué. Amnesty International a fait savoir que ces autorités « s'attachent à criminaliser deux organisations politiques en les qualifiant de 'terroristes' dans le cadre de la nouvelle répression qui vise la dissidence », rappelant qu'en juin, la définition du « terrorisme » a été modifiée afin de permettre de poursuivre les militants pacifiques et les voix critiques. Elle cite, dans ce sens, les cas des journalistes Hassan Bouras et Mohamed Mouloudj, « les dernières cibles de cette nouvelle tendance inquiétante ». Ces deux journalistes risquent d'être poursuivis pour des publications sur Internet critiquant les autorités et pour leur affiliation à deux organisations, le mouvement politique d'opposition Rachad, qui n'est pas enregistré, et le MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie), s'alarme-t-elle. Citée dans le communiqué, Amna Guellali, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International, a expliqué que « les autorités algériennes durcissent leurs méthodes visant à réduire au silence la dissidence pacifique en s'appuyant sur des accusations liées au terrorisme pour diaboliser et discréditer les militant.e.s pacifiques et les journalistes ». D'après elle, « ce n'est qu'un écran de fumée pour dissimuler la répression sévère exercée contre le militantisme ». Elle a appelé à la libération immédiate de ces journalistes, estimant qu' « il est abject que ceux qui souhaitent exercer leur droit à la liberté d'expression soient poursuivis de manière aussi systématique ». Elle a rappelé qu'en mai, le Haut conseil de sécurité algérien a qualifié le mouvement Rachad et le MAK d'entités « terroristes », ajoutant que depuis, des dizaines de personnes ont été arrêtées et poursuivies pour des accusations de terrorisme, en raison de leurs liens présumés avec ces deux organisations, dont les défenseurs des droits humains et les journalistes Kaddour Chouicha, Said Boudour et Djamila Loukil, ainsi que 12 autres militants politiques et de la société civile. Et de préciser qu'en juin, la définition du terrorisme a été élargie dans l'article 87 bis du Code pénal, de sorte à y inclure le fait d' »œuvrer ou inciter (..) à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ». « Rien ne laisse supposer que Hassan Bouras ou Mohamed Mouloudj ont fait quelque chose de mal si ce n'est exercer leur droit de s'exprimer librement », a commenté Amnesty international. Pour Mme Guellali, il est clair que les autorités se servent de manière éhontée de la législation antiterroriste pour réduire au silence la dissidence. Pour rappel, une grande vague d'arrestations est menée contre de nombreux militants, journalistes et défenseurs des droits humains. Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), environ 230 personnes croupissent dans les prisons algériennes en lien avec le mouvement de protestation pro-démocratie Hirak qui secoue le pays depuis 2019. D'après ce comité, la justice algérienne a inculpé ces détenus d'opinion et prisonniers politiques de divers graves délits comme le classique « atteinte à l'unité nationale » ou la traditionnelle appartenance à « une organisation étrangère complotant contre l'autorité de l'Etat ».