La reprise par le Maroc de ses relations avec Israël et la reconnaissance des Etats-Unis de la souveraineté de Rabat sur le Sahara «ont créé un déséquilibre dans la relation entre les deux grands Etats du Maghreb» estime Khadija Mohsen-Finan, qui reconnaît que le royaume a renversé la donne dans la région. Les dernières évolutions dans l'affaire du Sahara «signent d'abord l'échec de l'Algérie qui appuie le Front Polisario depuis 1975» estime Khadija Mohsen-Finan, enseignante à Paris I (Master Relations Internationales) et spécialiste du Maghreb et des questions méditerranéennes. Selon elle, «les Algériens savent que c'est une question de temps et que le Maroc se verra bien octroyer ce territoire». Par-delà cet échec, estime-t-elle, «l'Algérie n'a plus prise sur son ennemi et rival marocain. Aujourd'hui, le Maroc n'opère plus prioritairement dans le cadre du Maghreb, et son ambition n'est plus d'être leader au Maghreb, mais en Afrique. La reprise de ses relations avec Israël lui donne les moyens de ses nouvelles ambitions» annonce-t-elle. Le politologue croit que c'est le Maroc «qui a aidé Israël à retrouver son statut d'observateur au sein de l'Union africaine (UA) perdu en 2002». Pour elle, «le Maroc montre qu'il est capable de peser efficacement au sein de l'instance africaine». «En effet, l'Algérie a tenté de s'opposer à la réintégration d'Israël. En déployant ses talents diplomatiques au sein de l'UA et son influence en Afrique de l'Ouest au profit de son nouvel allié israélien, Rabat compte tirer profit» détaille-t-elle. Lors de sa visite à Rabat, Yaïr Lapid a déclaré en présence de son homologue Nasser Bourita qu'il était inquiet du rôle joué par l'Algérie dans la région, du rapprochement d'Alger avec l'Iran et de la campagne menée par Alger contre l'admission d'Israël en tant que membre observateur de l'UA». Le gouvernement algérien y a vu des «accusations insensées et des menaces à peine voilées» malgré les attaques algériennes incessantes contre Tel-Aviv depuis fin 2020. Le roi Mohammed VI, à travers son discours, a démontré que «le Maroc fait savoir à ses partenaires occidentaux et à Tel Aviv qu'il incarne la sagesse et la pondération face à une Algérie peu fiable. Il s'adresse en particulier aux Etats qui craignent l'escalade militaire et ses effets notamment sur l'approvisionnement de pays européens en gaz algérien. Paris, Le Caire et Riyad ont déjà fait savoir qu'ils pourraient offrir leurs services en matière d'intermédiation entre Rabat et Alger» détaille la spécialiste franco-tunisienne.