La dernière édition de l'Economiste du Faso a été bloquée mercredi avant son expédition au Burkina. Le même jour, une interview de la chercheuse franco-tunisienne Khadija Mohsen Finan sur Atlantic Radio a provoqué la colère du Palais. Ne pas suivre la ligne dictée par les autorités sur l'affaire du Sahara, même pas mégarde, peut coûter cher aux médias marocains, privés comme publics. Dernier exemple en date : la «mésaventure» des journalistes du groupe Ecos-Médias, premier groupe de presse privé du Maroc (L'Economiste, Atlantic Radio, Assabah, Ecole ESJC). Lakome a appris que mercredi après-midi, les numéros de «l'Economiste du Faso», nouveau titre hebdomadaire du groupe vendu au Burkina Faso (mais imprimé au Maroc), ont été bloqués à la dernière minute avant leur expédition à Ouagadougou. Motif : la rédaction burkinabaise de l'Economiste avait illustré un article sur le Sahara avec une carte des frontières internationalement admises, c'est-à-dire avec une séparation entre le territoire et le reste du Maroc. Selon une source proche d'Eco-Médias, le groupe a été obligé de rectifier le tir en réimprimant la totalité des exemplaires de l'Economiste du Faso. Contactée par Lakome, la direction d'Eco-Médias n'était pas joignable ce weekend pour commenter l'information. L'interview qui fâche le palais Le même jour, un autre «incident» lié au Sahara a provoqué une mini-crise au sein du groupe Eco-Médias : la diffusion sur Atlantic Radio mercredi en fin d'après-midi d'une interview de Khadija Mohsen Finan, chercheuse franco-tunisienne à l'IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques). L'interview n'est pas disponible sur le site d'Atlantic Radio. Interrogée sur le revirement des Etats-Unis à propos de l'extension du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme, Khadija Mohsen Finan expliquait que cela constituait «une petite victoire» de la diplomatie marocaine à court terme mais que le royaume devait revoir sa gestion du dossier, notamment sur la question des droits de l'homme, afin de mieux promouvoir sa proposition d'autonomie. Les propos de la chercheuse franco-tunisienne, diffusés lors de l'émission « Atlantic Soir », ont fâché en haut lieu. Lakome a appris de sources proches de la direction d'Eco-Médias, qu'un conseiller royal a immédiatement contacté le patron du groupe, Abdelmounaïm Dilami, pour lui faire part de son mécontentement. Les responsables de la radio se sont alors faits vertement tancés par leur direction, au motif d'avoir passé «une Algérienne» à l'antenne. Selon les mêmes sources, l'incident a coûté son poste au rédacteur en chef d'Atlantic Radio. Le message du palais semble être bien passé... Le «précédent» Khadija Mohsen Finan Ce n'est pas la première fois que la chercheuse Khadija Mohsen Finan s'attire les foudres des autorités marocaines. En 2010, alors responsable du programme Maghreb à l'Institut français des relations internationales (IFRI), dirigé par Thierry de Montbrial, elle avait été obligée de quitter son poste suite à des pressions venues de Rabat, notamment du patron de l'OCP Mostafa Terrab, qui est également administrateur de l'IFRI (l'OCP est un des bailleurs de fonds de l'institut). Le palais lui reprochait son ton un peu trop critique envers le Maroc, comme dans cette interview accordée à l'hebdomadaire français L'Express début 2010. Khadija Mohsen Finan a depuis rejoint l'IRIS de Pascal Boniface, un think tank spécialisé dans les relations internationales. Elle enseigne par ailleurs à Sciences Po Paris et à l'université de Paris I Panthéon Sorbonne.