La campagne pour les élections législatives du 12 juin, scrutin censé apporter une nouvelle légitimité au régime mais boycotté par une partie de l'opposition, peine à mobiliser la population. La campagne pour les élections législatives du 12 juin en Algérie, un scrutin censé apporter une nouvelle légitimité au régime mais boycotté par une partie de l'opposition, peine à mobiliser la population, dans un climat de répression du mouvement contestataire du Hirak. «Incolore, inodore et sans saveur», résume le quotidien francophone El Watan, dans un reportage consacré à la campagne dans la wilaya (préfecture) d'El Tarf, à la frontière algéro-tunisienne. A Alger, la plus importante circonscription du pays avec 34 sièges de députés à pourvoir (sur 407), la majorité des panneaux électoraux sont à moitié vides près de deux semaines après le début de cette campagne. Les quelques affiches collées sont vite déchirées et deviennent illisibles. Ces élections, qui auraient dû avoir lieu en 2022 mais ont été avancées, apparaissent comme une tentative du pouvoir, dont le pilier est l'armée, de reprendre la main face au retour du Hirak dans la rue depuis fin février. Malgré deux échecs cinglants -la présidentielle de 2019 et le référendum constitutionnel de 2020, marqués par une abstention record-, le régime est déterminé à appliquer sa « feuille de route » électoraliste, sans tenir compte des revendications de la rue (Etat de droit, transition démocratique, justice indépendante, etc). Ce scrutin met en lice près de 1 500 listes, dont plus de la moitié s'affichent comme «indépendantes». Il verra la participation, pour la première fois, d'un nombre très élevé de candidats indépendants face aux prétendants présentés par des partis, largement discrédités et jugés responsables de la grave crise politique que traverse l'Algérie. Si certains parient sur une victoire de ces indépendants, à l'affiliation floue, qui pourraient ainsi constituer une nouvelle force politique au sein de la future Assemblée populaire nationale (APN), d'autres, en revanche, minimisent leurs chances. Politologues et éditorialistes relèvent notamment que ces listes indépendantes ont peu de visibilité et se font très discrètes. Si le Hirak et l'opposition de gauche, comme le Front des forces socialistes (FFS), ont refusé de cautionner un scrutin à leurs yeux biaisé, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) et d'autres formations islamistes légales ont décidé d'y participer afin de «contribuer à la rupture et au changement souhaités». Enterrer le Hirak Le président du MSP, Abderrezak Makri, s'est d'ailleurs dit «prêt à gouverner» en cas de victoire. Mais à dix jours du scrutin, il est clair que les candidats, les indépendants comme les autres, ne parviennent pas à intéresser les Algériens, beaucoup plus préoccupés par la multicrise aiguë – politique, sociale et économique – qui secoue le pays maghrébin depuis février 2019. Autre signe de désaffection, les meeting électoraux ne drainent pas les foules. Une vidéo montrant un candidat en train de prononcer un discours devant une salle vide a été largement partagée ces derniers jours sur les réseaux sociaux. En outre, la campagne électorale a été émaillée de «dérapages» verbaux qui ont soulevé la polémique et parfois la moquerie. Le président du Front de la bonne gouvernance (FBG), Aïssa Belhadi, a déclenché un tollé en comparant les femmes présentées par son parti à des «fraises sélectionnées» pour vanter leurs qualités. Nombre d'internautes ont qualifié ces propos de «sexistes», les tournant en dérision. La crédibilité de ces élections devrait à nouveau se jouer sur le taux de participation, après les fiascos de 2019 et 2020. Les autorités redoutent une nouvelle désaffection des électeurs en Kabylie (nord-est), région traditionnellement frondeuse, où la participation a été quasi nulle lors des deux précédents scrutins. Le chef d'état-major de l'armée, le général Saïd Chengriha, a mis en garde contre «tout plan ou action visant à perturber le déroulement» du scrutin, selon un communiqué du ministère de la Défense. Et à l'approche de l'échéance électorale, le régime a décidé d'en finir avec le Hirak, un soulèvement populaire anti-système inédit, qu'il accuse d'être instrumentalisé par des «parties étrangères» hostiles à l'Algérie. Il a de facto interdit ses manifestations et multiplie les arrestations et les poursuites judiciaires visant opposants politiques, militants hirakistes, avocats et journalistes.