Rabat a décidé, début mars de «suspendre tout contact» avec l'ambassade d'Allemagne au Maroc, en raison de «malentendus profonds» avec Berlin sur différents dossiers, dont la question du Sahara. Des médias marocains ont publié une lettre adressée lundi par le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita au chef du gouvernement Saad-Dine El Otmani détaillant cette décision. Ce 6 mai, l'ambassadeur marocain à Berlin retourne à Rabat «pour consultations». L'écart entre les vues du Maroc et de l'Allemagne se précise, et s'aggrave encore alors que Berlin se dispense de préciser une politique nette envers Rabat, évitant «les questions qui irritent» et traitant les intérêts marocains par allusion ou par prétention. L'ambassadrice marocaine à Berlin retournera à Rabat pour des consultations en raison des menées de la diplomatie allemande contre le Maroc, a-t-on annoncé ce 6 mai. Les tensions entre Rabat et Berlin sont au plus haut sur fond de désaccords sur le Sahara, autour des complaisances envers un ex-terroriste et d'accusations d'actes hostiles contre les intérêts marocains. Parmi les points de friction essentiels figure la position de l'Allemagne sur l'intégrité territoriale marocaine, remettant en cause la décision américaine de reconnaître la souveraineté de Rabat sur le territoire du Sahara, mais aussi la mise à l'écart de Rabat dans des négociations sur l'avenir de la Libye lors d'une conférence organisée à Berlin en janvier 2020. En décembre de l'année dernière, l'Allemagne a appelé le Conseil de sécurité de l'ONU à tenir une réunion à huis clos sur la décision américaine et «la détérioration de la situation au Sahara (sic)». «Nous avons besoin d'une revitalisation du processus politique», avait déclaré l'ambassadeur d'Allemagne à l'ONU, Christoph Heusgen, Les paroles qu'il a prononcées, qui sont moins son œuvre que l'œuvre d'un parti hostile au Maroc, étaient réellement un morceau assez singulier où manquent la sobriété et la mesure qui caractérisent d'habitude le langage prêté à Berlin. L'actif antagonisme allemand, excité encore par des positions peu amènes envers Rabat, se donnait de nouveau carrière. Autre point, et non pas des moindres, la situation d'une ancienne figure du groupe terroriste «les Moudjahidines», Mohamed Hajib. Ce dernier a été arrêté à la frontière pakistano-afghane en 2010 sur la base d'accusations de trafic d'armes au profit d'un réseau islamiste. Il a été condamné à dix ans de réclusion pour terrorisme. Une sentence, ramenée à cinq ans qu'il a purgé à la prison de Tiflet. Depuis la libération de Mohamed Hajib, sur lequel Rabat a fourni les renseignements les plus précieux à Berlin, cet ex-terroriste est considéré parmi les propagateurs de fausses nouvelles relatives aux institutions marocaines, qui abusent leur égard de l'outrage, de la diffamation et de tous les excès. Non seulement Berlin laisse aujourd'hui si bénévolement discourir un énergumène condamné pour terrorisme, mais les pouvoirs publics se permettent de lui communiquer des informations sensibles sur sa situation judiciaire. Mohamed Hajib réside actuellement en Allemagne, à qui il réclame 1,5 million d'euros de dommages et intérêts pour l'avoir chassé vers le Maroc. Des sources diplomatiques s'interrogent sur les raisons qui poussent Berlin à vouloir, par des voies jugées malhonnêtes ou dilatoires, à acquérir de la protection pour cet ex-condamné pour terrorisme, au lieu de se borner à bien mettre en lumière sa situation actuelle. En ce moment même, la question de l'efficacité et du sérieux de l'œuvre des administrations allemandes, régionales ou fédérales, chargées de l'immigration et du terrorisme, est posée avec acuité. Ces institutions sont souvent accusées d'incurie ou de laxisme ; elles sont défaillantes car mal coordonnées. L'Allemagne est soupçonnée de devenir l'arrière-cour de plusieurs figures terroristes et radicales. «L'Allemagne est devenue l'un des plus importants refuges en ce qui concerne l'hébergement des terroristes» ont affirmé des sources diplomatiques occidentales. Pendant que la politique allemande s'agite ainsi au hasard, sans franchise et sans fermeté, Rabat s'active pour défendre ses intérêts. Alors que la permissivité de Berlin à l'égard de Mohamed Hajeb interroge, le durcissement des dispositions administratives et législatives de la lutte antiterroriste par les autorités a pris de nouvelles dimensions tandis que des terroristes, qui savent se jouer des frontières, arrivent en Allemagne et se trouvent enregistrés comme demandeurs d'asile sous plusieurs noms pour percevoir des aides sociales. Certains d'entre-eux n'ont pu échapper à la vigilance des services de renseignements que grâce aux informations des services secrets marocains, faisant état de fréquentations par des individus des milieux salafistes et d'un degré d'adhésion avancé aux objectifs de l'Etat islamique. Les services de l'immigration et les services secrets allemands durent essuyer de sévères critiques pour avoir mal géré le cas de certains terroristes, et selon toute vraisemblance, l'histoire se répète avec Mohamed Hajib.