Le ministère des affaires étrangères juge «inacceptables» les sanctions européennes visant six personnalités russes depuis l'empoisonnement présumé de l'opposant. La Russie a annoncé, mardi 22 décembre, sanctionner des responsables de pays européens, en représailles à des mesures adoptées en octobre par l'Union européenne (UE) à la suite de l'empoisonnement du principal opposant du pays, Alexeï Navalny, en août. La diplomatie russe a expliqué «avoir élargi la liste des représentants de pays membres de l'UE interdits d'entrer sur le territoire de la Fédération de Russie», sans toutefois publier de noms. L'annonce russe intervient au lendemain de la diffusion d'une conversation téléphonique au cours de laquelle M. Navalny affirme avoir piégé un agent des services spéciaux russes (FSB) pour lui faire admettre l'empoisonnement. Le ministère des affaires étrangères a expliqué juger «inacceptables» les sanctions européennes visant six personnalités russes, dont Alexandre Bortnikov, le chef du FSB, «au prétexte de leur prétendue participation à l'incident impliquant le citoyen Navalny». Ces contre-sanctions ont été annoncées aux représentants des ambassades de France, d'Allemagne et de Suède convoqués au ministère pour l'occasion. France, Allemagne et Suède De source française, on confirme que les trois pays dont les ambassadeurs ont été visés sont aussi ceux sanctionnés par Moscou. Pratique inhabituelle (note-t-on côté français) : la partie russe n'a pas communiqué, ni officiellement ni en privé, les noms des personnalités ciblées, ni même leur nombre. «C'est désagréable pour nous, dit-on côté français, mais de la part des Russes, c'est moins risqué que ce qu'a fait l'UE en visant des gens dans l'administration présidentielle.» Les personnes visées pourraient donc découvrir l'interdiction qui leur est faite de rentrer sur le territoire russe au moment de passer la douane. Il y a quelques semaines, Moscou avait évoqué comme cibles de ces sanctions les «cadres dirigeants des appareils de l'Allemagne et de la France», soit les deux pays qui ont été à l'origine de l'initiative commune européenne. A l'époque, la Suède n'était pas évoquée. Ces trois pays finalement ciblés sont ceux dont les laboratoires ont identifié une substance de type Novitchok dans l'organisme de M. Navalny. Désigner ces trois pays est aussi une nouvelle façon pour Moscou de signifier son refus de considérer l'Union européenne comme un acteur à part entière des relations internationales. Le représentant de l'UE à Moscou n'a pas même été convoqué par M. Lavrov, mardi, s'étant vu signifier par une simple note écrite l'imposition de ces sanctions. Ce sont bien des représentants «d'Etats membres de l'UE» qui sont visés, insiste le communiqué russe, pas des représentants de l'UE elle-même. Convocation antérieure au «Slipgate» L'ambassadeur français avait reçu sa convocation au ministère russe avant la publication de nouvelles révélations sur l'empoisonnement de M. Navalny, avant donc que n'éclate le «Slipgate», comme l'a nommé l'écrivaine Ioulia Latinina dans la Novaïa Gazeta. Il a rappelé à ses interlocuteurs qu'il ne s'agissait pas d'un problème bilatéral franco-russe, mais d'une question de droit international impliquant l'usage d'armes chimiques. La Russie accuse, en outre, Berlin, mais aussi Paris, Stockholm et l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, de ne pas lui remettre leurs dossiers mettant en cause le Novitchok, une substance développée à des fins militaires durant l'ère soviétique. Elle assure qu'aucun poison ne se trouvait dans l'organisme de M. Navalny lorsque celui-ci avait été hospitalisé en Sibérie, et que, faute de coopération de la part des Européens, aucune enquête ne peut être ouverte en Russie.