Ils sont désormais plus de 10.000 personnes à avoir signé le manifeste des « Nous sommes hors-la-loi » pour engager un débat national sur les libertés individuelles. Pour Me Jamila Sayouri, avocate et présidente de l'association Adala, ce manifeste revêt d'une grande importance étant donné qu'il exprime la volonté d'un grand nombre de citoyens qui souhaitent que le Code pénal soit réformé surtout dans ce contexte marqué par plusieurs affaires judiciaires qui ont relancé les discussions autour du caractère dépassé et anachronique de certaines lois liberticides. « C'est ce genre de manifeste qui contribue à faire pression sur le gouvernement pour relancer le débat sur les libertés individuelles. Aujourd'hui, 10.000 Marocains signataires sont pour qu'un débat national soit lancé sur les libertés individuelles pour dépénaliser l'avortement et pour réformer les lois liberticides« , a-t-elle expliqué tout en précisant que ce manifeste prouve que « l'opinion publique est éveillée, a l'esprit vif et est clairvoyante ». Il semble ainsi que l'impact de ce manifeste n'est pas négligeable. Toutefois, il se trouve que l'avenir de cette motion est « incertain » même si elle reflète une certaine force de pression. « Tout dépendra de la manière par laquelle les instances décisionnelles législatives vont réagir à ce manifeste », souligne Me Jamila Sayouri. « Presque toutes les lois sur les libertés individuelles n'ont été récemment proposées, que par le gouvernement. Toutefois, c'est au parlement de les adopter. Or, ce processus d'adoption n'est pas assujetti à des normes et ne répond pas à un ensemble de règles prédéfinies et préétablies. Il relève souvent de l'intérêt politique des partis alors qu'il doit dépendre de l'intérêt général des citoyens« , a-t-elle fait savoir. Par conséquent, « la société civile ne prend pas part à ces discussions ». Toutefois, il se trouve que ce sont les associations qui essayent d'entrer en contact avec les instances décisionnelles législatives pour leur faire part de leurs perceptions et de leurs prises de position par rapport à plusieurs sujets qui font débat autour des lois sur les libertés individuelles comme ce qui a été fait par le mouvement « Hors-la-loi ». Soulignons qu'au Maroc, le droit de pétition est régi par la loi organique n°44.14 déterminant les conditions et les modalités d'exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics ainsi que par la loi n°64.14 fixant les conditions et les modalités d'exercice du droit de présenter des motions en matière législative qui interviennent en application des articles 14, 15 et 139 de la constitution qui stipulent que les citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. La présentation des pétitions aux pouvoirs publics obéit à un formalisme bien précis. Ainsi, pour être recevable, la pétition doit répondre à plusieurs conditions. L'objectif recherché doit être d'intérêt général, les demandes, les propositions et les recommandations qu'elle contient doivent être légales. Ainsi, une motion doit être signée par au moins 25.000 personnes. Elle est présentée soit au Chef du gouvernement, soit au Président de la Chambre des représentants, soit au Président de la Chambre des conseillers. D'ailleurs, une commission des pétitions est créée auprès du chef du gouvernement et du bureau de chaque chambre du parlement ; elle est chargée d'étudier les pétitions et d'émettre des avis à leur sujet. Le représentant des pétitionnaires est informé par le Chef du gouvernement ou par le président de l'une des chambres du parlement, selon le cas, de la suite réservée à la pétition et des mesures qu'il envisage de prendre, le cas échéant. Reste à savoir si le mouvement « Nous sommes des Hors-la-loi » compte présenter son manifeste au pouvoir législatif une fois qu'il atteint un seuil de 25.000 signataires pour que ses recommandations soient prises en considération pour la réforme du Code pénal. Rappelons qu'en 2018, la justice a poursuivi 14.503 personnes pour débauche, 3.048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortements. Aujourd'hui quelque 600 à 800 avortements clandestins seraient pratiqués chaque jour au Maroc. Cette situation pousse plusieurs acteurs associatifs à réclamer une politique pénale plus conforme à l'esprit de la Constitution marocaine et de la charte internationale des droits humains.