Alors que les mouvements civils a su démystifier le sujet des libertés individuelles, jusqu'alors regardé comme un luxe, et l'ériger en une question essentielle, l'élaboration d'un nouveau cadre juridique encadrant ces droits se heurte aux réserves et aux hésitations politiciennes. En stand-by, depuis juin 2016, le texte du projet de loi n°10.16 modifiant le code pénal n'a pas encore été entériné. Alors que les membres de la Commission de justice et de la législation de la première étaient supposés déposer leurs amendement jusqu'à le 20 septembre, ce délai a été prolongé pour trouver un terrain d'entente. Une réunion du bureau de la Commission devra, ce 1er octobre, aborder la question des libertés individuelles dans le code pénal. Le projet de loi n°10.16, consultable sur le portail du Parlement, comporte des propositions qui font saillie comme la règlementation de l'avortement, l'instauration de sanctions alternatives ou l'accroissement des garanties du justiciable. Le débat sur les libertés individuelles et l'assouplissement des lois répressives court depuis de nombreuses années en prenant parfois des tours officiels. Il a connu une subite accélération à la suite de l'affaire de la journaliste Hajar Raissouni, condamnée le 30 septembre pour «avortement illégal» et «débauche». Une forte mobilisation sur les plates-formes virtuelles et de la presse en faveur de l'assouplissement de la loi sur l'IVG s'en est suivie. Dans un enregistrement vidéo diffusé en fin de semaine, Omar Balafrej a appelé à amender les articles 489, 490 et 491 du code pénal marocain, qui incriminent respectivement l'homosexualité, les relations sexuelles entre adultes consentants et l'adultère. Il réclame aussi le droit d'entretenir des relations sexuelles, qui découle du droit de disposer de son corps et de renforcer les sanctions en matière de pédophilie. Dans ces affaires (souvent accompagnées de cas d'arrestation) qui abordent tour à tour le sexe hors mariage, l'homosexualité ou l'avortement, est mis en cause la section du code pénal qui traite des mœurs. Le Maroc traverse une transmutation de son éthique sexuelle, qui peine à être formulée, et d'un affrontement plus au moins polarisé entre des courants progressistes et des conservatismes en perte de vitesse. L'avortement cristallise les tensions depuis la levée de boucliers provoquée l'affaire de Hajar Raissouni. Il n'est permis que s'il s'agit d'une interruption médicale de grossesse motivée par la nécessité de sauvegarder la vie de la mère. L'Article 454 précise «qu'est punie de l'emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 120 à 500 dirhams la femme qui s'est intentionnellement fait avorter ou a tenté de le faire ou qui a consenti à faire usage de moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet.» Des associations, comme Anfass, dénoncent les modalités de réalisation des avortements clandestins médicalisés, et appelle à la révision du code pénal en fonction des évolutions sociétales. Au Parlement, seul le Parti du progrès et du socialisme (PPS) se montre sans ambages sur ses amendements. Il invoque la nécessité de «se mettre au diapason des principes des droits humains et à raffermir le statut des libertés individuelles.» Le Parti de l'Istiqlal (PI), lui pointe l'urgence « d'entériner les mécanismes institutionnels et juridiques contre toutes les discriminations envers les femmes en situation de vulnérabilité.»