Entre la promulgation du droit de grève et l'urgence de le légiférer, les voix restent discordantes. Le débat sur cet acte «social et syndical» refait surface, entraînant une divergence d'opinions. Le consensus est loin d'être établi concernant ce droit à valeur constitutionnelle. C'est en tout cas ce qui ressort du débat organisé, mardi 20 novembre à Casablanca, par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) auquel ont été conviés des représentants du Conseil économique et social (CES), du ministère de l'emploi et les cinq syndicats les plus représentatifs du pays. Certes, la conciliation entre l'exercice du droit de grève, l'intérêt de l'entreprise et la continuité du service public semble préoccuper l'ensemble des intervenants. Or, l'approbation d'une loi organique ne fait toujours pas l'unanimité. C'est le cas pour l'Union marocaine du travail (UMT) qui s'interroge sur l'opportunité d'une loi organique sur la grève. «La grève est un droit imprescriptible lié à la liberté syndicale, à savoir le droit de négocier. L'arrêt de travail n'est qu'un dernier recours lorsque les portes du dialogue se ferment», a manifesté Amal El Amri, secrétaire nationale de l'UMT. La centrale représentée par Mme El Amri, à l'instar de l'ensemble des représentants syndicaux, voit en le dialogue social un impératif, une priorité nationale à prendre en considération dans une société qui compte jusqu'à ce jour plus de 60% de la population œuvrant dans l'informel, loin des prérogatives du Code du travail. Un avis partagé par les syndicats présents qui ont, pour leur part, appelé au renforcement des conventions collectives qui atteignent actuellement une quinzaine au moment où dans d'autres pays frôlent le seuil de 5.000 conventions. L'article 288 du code juridique a également été pointé du doigt, taxant le droit à la grève de délit d'entrave comprenant ainsi de lourdes sanctions. Pour sa part, le ministère du travail privilégie la méthode juridique. «La nécessité de légiférer la grève va permettre d'identifier les obligations et le droit des principales parties prenantes, à savoir l'employeur et les travailleurs», souligne Ahmed Bouharrou, directeur du travail au sein du ministère de l'emploi. Dans la diversité des positions, l'expérience de la CGEM est venue illustrer la pertinence du dialogue social. Cette démarche entreprise depuis bien longtemps par le patronat marocain a donné ses fruits et a contribué à bannir la non-conformité sociale dans plusieurs cas. «Si la CGEM a entamé un dialogue social direct, c'est qu'elle a estimé nécessaire de reconstruire le dialogue social avec les partenaires sociaux pour installer une confiance durable», a précisé Jamal Belahrach, président de la commission emploi et relation sociale. Et de poursuivre que «la seule voie pour les entreprises marocaines est le passage du champ réglementaire au champ conventionnel». Selon la CGEM, la grève ne devrait pas être perçue comme menace mais comme moyen d'instaurer des solutions nouvelles et durables. A cet égard, le CES appelle à prendre en considération le modèle espagnol dans la résolution des conflits collectifs dans le secteur du travail. «L'Espagne a franchi un grand pas en la matière. Une fondation de médiation a vu le jour, dans ce sens, comptant à son actif 4 chefs d'entreprises, 4 représentants syndicaux et un avocat», précise Moncef El Kettani, membre du CES. Selon ce dernier, ce modèle pourrait être exploitable au Maroc à condition de former un arsenal prêt à négocier et trancher les litiges sociaux. De même, le représentant du CES appelle les syndicats marocains à s'affranchir de la casquette politique et privilégier le choix social dans leur démarche.