Béni Bouayach, Imzourène, Khouribga, Larache… En égrenant les noms des lieux associés aux interventions les plus dures contre les manifestations de rue cette année, le nouveau rapport annuel de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH), qui a été présenté à la presse en milieu de semaine dernière à Rabat, s'est voulu explicite: les entorses aux droits et libertés se multiplient en s'aggravant. Et, accessoirement, s'il a jamais faibli, l'usage de la force contre les manifestations pacifiques est en train de retrouver vigueur. Une approche à laquelle les rédacteurs du document imputent non seulement une longue série d'arrestations, mais encore des décès. En particulier celui du jeune Laâsri Cherkaoui, intervenu, selon eux, le 5 février dans les locaux de la police de Temara. Mais, indique le document, l'année qui court a de qui tenir et de nombreuses et graves violations des droits de l'Homme ont été commises en 2011. L'AMDH précise que les détentions politiques se sont poursuivies et, que sur ce seul plan, 48 cas lui ont été signalés parmi les activistes du Mouvement du 20 février, les protestataires sociaux, les syndicalistes et même les Sahraouis pro-Polisario. L'année écoulée aurait également enregistré 42 disparitions forcées, ce qui dénote, selon le rapport, que le genre a repris en dépit des allégations qui disent le contraire. Dénonçant les arrestations et les jugements arbitraires, l'AMDH a vivement critiqué l'emprisonnement du rappeur Moad L'haked et celui de Younès Belkhdime, membre du Mouvement du 20 février.. Cependant, la grande nouveauté du récent millésime du rapport de l'AMDH est d'avoir saisi au bond la question carcérale qui fait actuellement polémique. Le rapport qui abonde dans le sens de ceux -de plus en plus nombreux- qui critiquent les conditions prévalant dans les prisons, va plus loin en imputant la cause à une gestion essentiellement sécuritaire de la détention «qui privilégie la sanction et minore la rédemption». Cette situation, l'AMDH affirme qu'elle est la conséquence directe de la politique menée par l'autorité des prisons depuis 2008. Selon les rédacteurs du rapport, cette méthode est caractérisée par le recours massif aux «punitions collectives», notamment à l'encontre des détenus salafistes après leur mutinerie des 16 et 17 mai 2011 à la prison de Salé 2. L'AMDH fait état de 3 décès à la suite de grèves de la faim enclenchées après des mesures de rétorsion prises par l'administration pénitentiaire. L'organisation qui affirme que la tendance perdure et qu'un nouveau décès a été enregistré en 2012, déplore que depuis 2009 les associations des droits de l'Homme et la presse soient interdites de visite aux prisons. Dans un cadre plus large l'AMDH estime que «le champ des libertés publiques s'est nettement réduit en 2011». Elle juge également que la justice tarde à jouer son rôle dans les cas des décès de Karim Echaib de Sefrou et Kamal Ammari de Safi, qui ont trouvé la mort dans des circonstances suspectes lors de manifestations populaires l'année dernière. En complément de ce tableau, l'association affirme que le droit de se constituer en association n'a pas été épargné par le mouvement de recul des libertés. Selon elle, plusieurs associations «attendent toujours la reconnaissance officielle des autorités». Ainsi dit-elle d'Attac Maroc, l'association des diplômés sans emploi, ainsi également du groupement d'action pour le développement et la migration et de certaines sections de l'AMDH elle-même. Le rapport de l'ONG pointe également du doigt la poursuite des vagues d'arrestations dans les rangs des Subsahariens et leur déportation vers les frontières avec l'Algérie.