Selon Youssef Belal, la responsabilité de la crise que connaît la jeunesse des partis politiques marocains est partagée entre l'Etat, les partis politiques et les jeunes eux-mêmes. ALM : Où se situe la crise des organisations de jeunesse des partis politiques ? Youssef Belal : Il y a un problème de définition de ces organisations de jeunesse politique. Ces dernières comprennent des individus (de plus de 40 ans) pas du tout jeunes et pour qui ces organisations offrent une rente politique. Il faut définir les limites claires des membres de ces organisations. Aujourd'hui, elles sont en crise à l'image des partis politiques. Elles ne sont pas suffisamment présentes sur le terrain. Leur champ d'action se limite à faire des activités de loisir. Leur teneur en terme de propositions n'est pas perçue. Elles n'attirent pas ce qui peut être facteur de renouvellement. En les comparant à ce qu'était l'Union nationale des étudiants du Maroc par le passé, on voit l'ampleur de leur crise. Quel est le véritable problème des jeunes politiques ? Il y a aujourd'hui des générations différentes qui coexistent dans les partis politiques. Ce n'est pas un problème idéologique. Le véritable problème est l'accès des jeunes au pouvoir notamment au comité central, au comité national et au bureau politique de leur parti. Il faut qu'il y ait au sein des partis politiques une rotation, un renouvellement des générations. Le deuxième niveau de ce problème se situe dans la relation des partis avec la jeunesse. Est-ce qu'ils sont en mesure de répondre à leurs attentes, c'est-à-dire traiter des problèmes concrets notamment les questions de l'emploi, l'éducation, le logement, l'offre culturelle...? Aussi, le fait que ces partis soient membres de la coalition gouvernementale n'offre pas une véritable lisibilité quant à la contribution de chacun dans la politique du gouvernement. Dans ce contexte, il n'y a pas un mécanisme de responsabilité clair du fonctionnement de la politique.
Quels sont les responsables de cette crise? Les partis politiques ne sont pas les seuls responsables vis-à-vis de la jeunesse. Aussi on est en droit de s'interroger si les politiques publiques sont en phase avec les jeunes et leurs préoccupations. Il faut qu'il ait une véritable politique publique de la jeunesse à travers le renforcement du ministère de la Jeunesse et des Sports. Aussi on doit répondre à la question du financement des études supérieures, les bourses, le transport des jeunes, l'accès à la culture... On peut aussi dégager un troisième niveau de responsabilité qui est celui de la jeunesse elle-même. Celle-ci n'est pas suffisamment organisée comme c'est le cas du mouvement de la femme qui a réalisé un progrès important au Maroc.
Quelles sont les mesures que vous suggérez pour faire sortir des organisations de jeunes de cette situation ? L'Etat et les partis politiques doivent envoyer des signaux forts aux jeunes en adoptant des mécanismes incitatifs, par exemple mettre des quotas pour jeunes dès les prochaines élections législatives. Ces mesures vont être un premier pas pour dépasser cette crise. Il faut aussi que les jeunes accèdent au Parlement pour leur permettre une plus grande représentativité. Il est aujourd'hui indispensable de débattre de ces questions et d'en chercher les réponses. Cela peut se faire à travers une conférence nationale sur la jeunesse. Il faut aussi que les jeunes se prennent en main et se donnent les moyens de suivre les politiques et de les évaluer afin de faire pression sur le centre de décision. La jeunesse doit s'organiser de manière percutante et faire pression sur les politiques que ce soit à travers des associations, des plaidoyers, du lobbying ou des actions concertées