Les relations entre les partis politiques et leurs jeunesses connaissent plus de bas que de haut. Le fossé ne cesse de se creuser entre les deux entités. «La relation entre les organisations de jeunesse et les dirigeants des partis politiques n'est pas saine». Le politologue Mohamed Darif est clair et net. Comme lui, d'autres observateurs de la scène politique se posent aujourd'hui des questions sur la nature des relations qu'entretiennent les partis politiques avec leurs jeunesses. Pour eux, le fossé ne cesse de s'élargir entre les jeunes et les dirigeants des partis, favorisant ainsi une rupture entre les deux entités. La polémique qui secoue, depuis un certain temps, la maison interne de la Jeunesse Ittihadie est l'exemple le plus typique de ce constat. Malgré l'élection de Ali Elyazghi secrétaire général de la Chabiba, la section de jeunesse de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) se trouve, toujours, dans l'incapacité de dépasser le stade de la crise. «La Chabiba Ittihadie connaît aujourd'hui une crise majeure. Il n'y a plus de vrai débat politique au sein de la Chabiba. Il n'y a pas de vision politique. Nous ambitionnons d'enclencher un débat constructif au sein de notre organisation de jeunesse», indique à ALM Naoufal Belmir, membre du bureau national de la Jeunesse Ittihadie. Hassan Tarek, membre du bureau politique de l'USFP, affirme, dans une déclaration à ALM, que le bureau politique de l'USFP entend tenir des réunions avec le conseil national de la Chabiba pour débattre des moyens à même de permettre «la relance du travail de la Jeunesse et le dépassement du stade de la crise». Il ne s'agit pas, selon cet ancien dirigeant de la Chabiba, «d'un acte de tutelle mais d'une initiative qui favorise plutôt la logique du partenariat». Le cas de la Chabiba Ittihadie ouvre le débat sur un phénomène plus large. S'achemine-t-on vers une rupture entre les partis politiques et les jeunesses ? «D'une manière générale, on ne peut pas parler de rupture. Mais de nombreux problèmes persistent à ce niveau», explique M. Darif. «Les organisations de jeunesse estiment qu'ils ne sont pas consultées par les dirigeants des partis dans la prise des décisions qui les concernant. Certains partis vont encore loin en impliquant la jeunesse dans des conflits de règlement de compte politique. A cela s'ajoute le maintien de certains vieux cadres à la tête de certaines organisations de jeunes. Certes, certaines formations politiques ont essayé de fixer l'âge maximum à 50 ans mais cela n'a pas réussi. Ce sont ces facteurs qui expliquent l'entrée des jeunes en conflit avec la direction du parti», ajoute-t-il. «Il n'y a pas de rupture entre les jeunes et les dirigeants des partis politiques. Il y a en fait un débat au sein des partis politiques. Car la jeunesse d'aujourd'hui diffère de la jeunesse d'il y a vingt ans. Cette dernière était soumise et dirigée par les chevronnés de la politique alors que les jeunes d'aujourd'hui veulent avoir le droit à la parole et à l'expression de leurs opinions. La jeunesse d'aujourd'hui cherche à se positionner au sein du parti politique et imposer sa vision de la politique et de la chose publique», estime Abdellah Ferdaous, secrétaire général de la Jeunesse destourienne. En ce qui concerne le Parti de la justice et du développement (PJD), l'âge ne se pose pas comme problème, selon Mustapha Baba, secrétaire général de la jeunesse du PJD. Pour lui, le PJD ne connaît pas de problème de rupture entre sa direction et sa jeunesse. Pour sa part, Rachid Afilal, membre du comité exécutif du parti de l'Istiqlal, responsable de la section des jeunes au sein du parti, affirme qu'il n'y a pas de rupture entre la jeunesse istiqlalienne et le parti et met en avant «une harmonie» entre les deux entités. Pour dépasser la crise entre les jeunesses et leurs partis, le professeur de sociologie politique Youssef Belal estime que la meilleure solution est de prévoir des quotas pour jeunes dès les prochaines élections législatives. Une manière de donner une place plus visible et surtout pesante aux jeunes dans la prise de décisions au sein des partis politiques.