L'artiste-peintre Youssef Benjelloun expose jusqu'à fin avril au Royal Mansour, à Casablanca, des œuvres réalistes traversées par une alchimie qui sert l'authenticité de son art. L'image , l'histoire d'un Maroc dont l'âme et la mémoire sont éternelles, c'est ce que partage l'artiste-peintre Youssef Benjelloun dans sa dernière exposition. Montée jusqu'en fin avril au Royal Mansour de Casablanca, elle présente une rétrospective sur le patrimoine et l'art traditionnel du Maroc. Les toiles de Youssef Benjelloun, ce natif de Ouazzane en 1942, sont en permanence traversées par un équilibre entre sa foi et sa science. Il s'inspire de son père «cadi» et érudit fikh et de son grand-père artisan pieux, deux personnages dont il peint les portraits et qu'il l'ont profondément marqué. Ce diplômé de l'École des arts appliqués de Casablanca et de l'Académie des arts sciences et lettres de Paris, cultive un équilibre entre sa sensibilité et la rigueur de sa technique, une alchimie qui sert l'authenticité de son art. «Je rentre dans la couleur et dans la forme mais sans m'appliquer, sans me faire mal», dit-il. Dans l'une de ses toiles, on peut distinguer les prières sur le Prophète contenues dans le livre ouvert de Dala'il Al Khayrat, tellement l'artiste s'acharne à traduire avec réalisme son sujet. Mais peut-on parler ici de nature morte, alors qu'on sent la lettre vivre, les allumettes nerveuses prêtes à allumer des chandelles accrochant déjà la lumière par leur seule blancheur et le bleu de leur emballage mythique. On imagine la patience, le désire et l'effort accru de l'artiste dans son travail, un peu à l'image de son grand-père l'artisan anonyme. Un «derraz», tisserand absorbé dans sa besogne par la répétitivité spirituelle d'un geste à chaque fois nouveau. Il le confie lui-même : «Je n'appelle pas cela de la peinture, c'est un travail acharné, sur moi-même». Dans cette exposition, on voit ressusciter un mausolée dans la périphérie d'Oujda, Sidi Yehya Ben Younes, disparu il y a 25 ans par manque d'entretien, manque de soutien. On parcourt les dédales de Ouazzane, la ville pour laquelle ce fondateur de l'association Dardmana dit avoir attrapé le virus la Ouazzanite. On y rencontre entre autre ses habitants, on contemple la majesté de leurs vêtements et la solennité des visages. Un travail pour lequel il a fallu dix années d'effort pour une quarantaine de tableaux et dans lequel cet artiste ayant 45 ans de carrière restitue le monde de ses souvenirs d'enfance, restaure ses fragments, ses vestiges. Il dévoile son idéal tel qu'il l'a touché et vécu. Et sous les apparences d'un art académique classique se cache un art contemporain, mais non éphémère, et à travers lequel l'artiste veut selon sa propre expression «laisser quelque chose à la postériorité».