Fillon n'a pas tari d'éloges sur le courage de Besson ni sur la nécessité pour la France de s'interroger en ces temps de mondialisation cannibale sur les contours de son identité. Tout était dit dans l'image de la furtive conférence de presse qui a suivi le séminaire gouvernemental sur l'identité nationale. Un Premier ministre, François Fillon, reprenant avec une maestria toute républicaine les ressorts d'un débat sur l'identité nationale qui avait tourné à l'exhibition xénophobe. Et un ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Eric Besson, aussi silencieux qu'une tombe, cuvant sa défaite et sa frustration de voir le gouvernement le lâcher en rase campagne, avec comme seul lot de consolation un enterrement de première classe, pour reprendre l'expression qui scintille dans les éditoriaux de la presse française. François Fillon venait de clôturer ce que le Haut commissaire à la Diversité, Yazid Sabeg, avait qualifié de «déversoir des médiocrités», par une série de mesures symboliques, à l'effet placebo, créatrices de compromis. Le tout constituant les gammes d'un chant de cygne pour enterrer un débat dont l'effet boomerang menaçait l'ensemble de la stratégie de Nicolas Sarkozy. Pour faire avaler la pilule et éviter de souligner davantage cette marche arrière enclenchée par le président de la République sous la pression de l'opinion, François Fillon n'a pas tari d'éloges sur le courage d'Eric Besson qui a su affronter les critiques les plus acerbes, ni sur la nécessité pour la France de s'interroger en ces temps de mondialisation cannibale sur les contours de son identité. Cela faisait partie des mouvements obligatoires de la manœuvre. Il était difficile d'imaginer un François Fillon -même si en privé il n'avait pas arrêté de dire tout le mal qu'il pensait de ce débat national- fustiger en public les dérives et autres dérapages dont l'excès de zèle et la gestion au bulldozer d'Eric Besson étaient directement responsables. Singulière couronne sur ce grand enterrement du débat sur l'identité nationale, la création d'une commission de personnalités, intellectuels, historiens, parlementaires, chargés d'encadrer ce qui restera de ce débat avant qu'il ne s'éteigne de lui-même. François Fillon qui selon l'opposition jouait «les pompiers de service» dans cette affaire, sait mieux que quiconque que les intellectuels en question, gênés aux entournures par les effluves d'un tel débat, ne se bousculeront pas pour faire partie de cette commission. En signifiant la fermeture de cette parenthèse enflammée sur l'identité nationale, François Fillon s'est mis dans la peau d'un arbitre qui doit siffler la fin du match sous peine que les choses ne dégénèrent et provoquent des ruptures incontrôlables. Et même s'il l'a fait sur ordre contraint de Nicolas Sarkozy, François Fillon semble en tirer un grand bénéfice politique. Il est en train de vivre en ce moment une séquence où il apparaît comme un des rares chefs de l'exécutif à garder la tête froide sur les épaules et à dégager de la confiance là où d'autres, emportés par la passion, s'avèrent anxiogènes. Le grand perdant de ce grand virage de Nicolas Sarkozy est Eric Besson. Comment va-t-il pouvoir continuer à assumer ses fonctions en portant sur les épaules le poids d'un tel désaveu ?