Dans leurs burqas ou drapées de leurs nikabs, les femmes orientales sont des Sherazade en puissance guettant dans l'obscurité du crépuscule leur Khalife d'homme pour le mener par le bout du nez jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Burqa ou nikab ? L'objectif est le même mais l'apparence est différente. Personnellement, je ne suis ni pour l'un ni pour l'autre, en même temps je ne suis contre aucun. Je ne fais pas l'anguille glissante, mais j'applique à la lettre l'esprit du proverbe : «si Dieu a séparé les têtes c'est pour que chacun fasse de la sienne ce qu'il entend». N'empêche, je suis ce matin un poil barbu et je trouve les Français, qui veulent interdire le port du voile intégral, intégralement intégristes dans leur laïcité alors qu'ils ne sont même pas capables de faire la différence entre la burqa et le nikab. La première est rarement sombre tandis que le second est généralement noir dans les pays moyen-orientaux et blanc dans les pays du Maghreb où il est prénommé haïk. La burqa s'ouvre au monde par une fenêtre que les Occidentaux assimilent hâtivement à la lucarne d'une geôle. Et c'est là où ils manquent cruellement de poésie. Dans cette lucarne, il faut plutôt voir le moucharabieh d'une mezzanine à travers laquelle la femme s'ouvre sur son mode extérieur et épie, comme dans les bons vieux contes des mille et une nuits, son prince charmant. Dans leurs burqas ou drapées de leurs nikabs, les femmes orientales sont des Sherazade en puissance guettant dans l'obscurité du crépuscule leur Khalife d'homme pour le mener par le bout du nez jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Vous le voyez, il suffit de modifier l'angle pour changer de vue. Les cosmétiques de L'Oréal, marketing oblige, se plient en quatre parce que vous, madame, vous le valez bien ! Mon œil ! Une femme peinturée, peinturlurée, barbouillée de toutes les couleurs, ravalée à prix fort telle une façade d'immeuble, est exactement tout ce que nous en dit et dénonce la culture occidentale : une femme objet. De convoitise et de consommation. Guère mieux qu'un divan relooké design. Des lèvres à rouge pour du rouge à lèvres. Toute autre histoire est la femme de nikab noir vêtue. Elle chasse la pornographie du string pour inviter l'érotisme du tout voile. On ne voit que les yeux, pour le reste, on laisse vagabonder l'imaginaire. Le fantasme, y a-t-il meilleure masturbation intellectuelle ? Plus vrai que les yeux, tu meurs ! Le carrefour de la colère et de la tendresse, de la haine et de l'amour. Les pleurs de la peine et les larmes du bonheur. La rencontre c'est d'abord un regard. Le poète arabe Badr Chakir Assyab se noie dans celui de sa dulcinée en chantant : «ses yeux, une forêt de palmiers à l'heure de l'aurore ; ou deux fenêtres au moment où la Lune commence à s'en éloigner». Le chanteur français Marc Lavoine a la métaphore moins inspirée quand il chante : «elle a les yeux révolver, et le regard qui tue». Mais le résultat est le même : «elle a tiré la première, c'est foutu !» Cerise sous le voile : il n'y a pas plus égalitaire qu'un nikab ne cédant à la vue que les yeux. Les hommes ne pouvant voir leurs futures mariées qu'après les avoir épousées, ils sont contraints à les tirer comme à la loterie. N'est-ce pas une belle façon pour le ciel de garder même aux plus laides leurs chances entières ?